La déchéance pour inobservation des règles de l'art : quelle validité comme exclusion ?

Écrit par Pascal Dessuet

Quand la déchéance prévue par la clause type en assurance RCD obligatoire devient une exclusion en RC travaux, sa validité est parfois discutée à raison de son manque de précision.

Cet arrêt non-publié semble revenir sur une jurisprudence plus ancienne réputant non-écrite ce type d’exclusion :

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Cass Civ 3ème 24 mars 2015 N° de pourvoi: 13-2573

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 2 août 2013), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ.,11 janvier 2012, pourvoi n° 10-26.898) que M. X..., assuré en responsabilité civile auprès de la société Gan assurances (la société Gan), s'est vu confier par le groupement foncier agricole de la Gane (le GFA) la réalisation tous corps d'état d'un bâtiment ; qu'il a demandé à M. Y..., architecte, de présenter la demande de permis de construire ; qu'invoquant des désordres, le GFA a demandé à M. X... d'intervenir pour les reprises ; que celui-ci, se plaignant de ne pas avoir été payé, a refusé et a assigné le GFA, la société Gan et l'architecte ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant retenu que la clause excluant « les dommages résultant de l'inobservation consciente, délibérée ou inexcusable des règles de l'art applicables dans le secteur du bâtiment et du génie civil aux activités garanties, telles que ces règles sont définies par les documents techniques des organismes techniques compétents à caractère officiel et spécialement les documents techniques unifiés (DTU) publiés par le Centre scientifique et technique du bâtiment ou par les normes françaises homologuées diffusées par l'Association française de normalisation ou, à défaut, par la profession, ou de prescriptions du fabricant, lorsque cette inobservation est imputable à l'assuré... » est suffisamment formelle et limitée en ce qu'elle ne vide pas le contrat de toute substance en laissant subsister la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle de l'assuré et relevé que M. X... n'avait pas respecté les règles de l'art, notamment les DTU, avait suivi de façon approximative et inacceptable les prescriptions de l'architecte des bâtiments de France, utilisé des matériaux inadaptés, et réalisé une structure de béton armé non conforme aux règles de dimensionnement et de conception d'un tel ouvrage, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les dommages constatés étaient exclus de la garantie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

AUX MOTIFS QUE dans la mesure où aucune réception n'est intervenue, seule la garantie contractuelle est due par Monsieur X... à l'exception de la garantie décennale ; que, dans ces conditions, la garantie décennale de la Société GAN ASSURANCES ne peut être recherchée pour les désordres imputables à Monsieur X... ; qu'en ce qui concerne le garantie responsabilité civile professionnelle souscrite par Monsieur X..., il convient de relever que les conditions générales du contrat souscrit auprès de la Société GAN ASSURANCES, intitulé « ASSURANCES RESPONSABILITES CIVILE ET DECENNALE DOMMAGES SUR CHANTIER », disposent dans leur chapitre III intitulé « RESPONSABILITE CIVILE », article 1, que « la compagnie garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité qu'il peut encourir dans l'exercice des métiers et activités mentionnés aux conditions particulières et dans les conditions définies ci-après (¿) » ; que le titre I du chapitre III précité, intitulé «RESPONSABILITE ENCOURUE PAR L'ASSURE EN COURS D'EXPLOITATION OU D'EXECUTION DES TRAVAUX », stipule dans son article 2, intitulé « Responsabilité de l'assuré à l'égard des tiers », que : «L'assurance s'applique à la responsabilité que l'assuré peut encourir à raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers, y compris aux clients. L'assurance s'applique également, par dérogation partielle à l'article 8 § 02.D) du présent chapitre, aux dommages matériels et immatériels causés au cours de l'exécution de ses ouvrages ou travaux, aux biens mobiliers et immobiliers confiés à la garde de l'assuré sur le chantier.

 Sont exclus : -les dommages subis par les ouvrages ou travaux exécutés par l'Assuré ainsi que ceux atteignant soit les fournitures appareils et matériaux destinés à la réalisation des ouvrages ou travaux, soit le matériel ou l'outillage nécessaire à leur exécution, qu'ils appartiennent ou non à l'Assuré ; -les dommages résultat d'un arrêt des ouvrages ou travaux (sauf si cet arrêt est dû soit aux congés payés, soit aux intempéries, tel que défini à l'article 2 de la loi du 21 octobre 1946 et à la condition toutefois que les mesures de protection aient été prises) et survenant plus de 30 jours après le jour de l'arrêt ; -les dommages atteignant des constructions classées ou en voie d'être classées par les Pouvoirs Publics » ; qu'en outre, l'article 8 du titre IV, intitulé « EXCLUSIONS », dispose notamment que sont exclus, pour l'ensemble des garanties, « les dommages immatériels qui ne seraient pas la conséquence d'un dommage corporel ou matériel garanti ainsi que les erreurs d'implantations de l'ouvrage ainsi que les dommages résultant de l'inobservation consciente, délibérée ou inexcusable des règles de l'art applicables dans le secteur du bâtiment et du génie civil aux activités garanties » ; qu'il apparaît ainsi que le contrat d'assurance liant les parties exclut de la garantie due par l'assureur les dommages aux ouvrages ou les travaux exécutés par l'assuré en cas de mauvaises prestations effectuées par cet assuré ; que, contrairement aux affirmations de Monsieur X..., ces exclusions ne vident pas le contrat d'assurance de tout objet puisque ce type de clause n'aboutit pas à une négation du contrat d'assurance mais à sa simple limitation à la seule responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de l'assuré à tel ou tel moment du chantier ; qu'en outre, l'expertise judiciaire a démontré que Monsieur X... n'avait pas respecté les règles de l'art et notamment les DTU, qu'il avait utilisé des matériaux inadaptés à la construction de toiture-terrasse, qu'il avait suivi de manière très approximative et de façon inacceptable les prescriptions des Bâtiments de FRANCE pour les murs et les encadrements en pierre... ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que les dommages constatés par l'expert et à l'origine des condamnations de Monsieur X... entrent dans le champ des exclusions du contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle de celui-ci ; que, dans ces conditions, il y a lieu de débouter Monsieur X... et le GFA de la GANE de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la Société GAN ASSURANCES à ce titre (arrêt, p. 11 et 12) ;

 

Contra :

Cass 3e civ., 13 sept. 2005 - Pourvoi n° 04-14.462, Arrêt n° 934) Obs P Dessuet RDI 2005 p. 417

« Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. Blondelot contre la MAAF, l'arrêt retient que la clause litigieuse exclut la garantie de l'assureur en cas d'inobservations inexcusables des règles de l'art telles qu'elles sont définies par les réglementations en vigueur, les documents techniques unifiés ou les normes établies par les organismes compétents à caractère officiel ou dans le marché de travaux concerné, et que, s'il est vrai que la composition de l'enduit qui aurait dû être appliqué n'était pas précisée dans le marché, et s'il est vrai que la MAAF, comme Mme Lefour, ne produisaient ni n'indiquaient le document technique unifié ou la norme qui aurait pu être établie par un organisme compétent à caractère officiel, il était constant que l'inobservation des règles de l'art se situait au niveau de la pose de l'enduit et de la sur-épaisseur appliquée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause d'exclusion contenue au contrat d'assurance visait l'ensemble des documents techniques unifiés et des normes, textes et réglementations en vigueur ne permettant pas à l'assuré de déterminer avec précision l'étendue de l'exclusion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »