Police RC décennale : la non déclaration du chantier a postériori génère des non garanties

Écrit par Pascal Dessuet

Cette décision s’inscrit dans un courant plus vaste validant des positions de non-garantie de la part d’assureur RC décennale a raison de la non-déclaration du chantier par l’assuré a postériori :

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Cass Civ 3ème 6 mai 2015 N° de pourvoi: 14-11758

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 novembre 2013), que la SCI, propriétaire d'un immeuble endommagé par un incendie, a entrepris des travaux de remise en état, sous la maîtrise d'oeuvre complète de la société Atelier d'architecture Gilles X..., assurée par la société Mutuelle des architectes français (MAF), confié une mission de contrôle technique à la société Apave Sud Europe et le lot charpente-couverture à la société de droit slovaque MGG Spol Sro ; que se plaignant de malfaçons, elle a assigné l'architecte, son assureur, le bureau d'études et l'entrepreneur en paiement du coût des travaux de remise en état ; qu'après transaction, la SCI s'est désistée de son action contre l'entrepreneur ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de dire que la MAF, assureur de la société Atelier d'architecture Gilles X..., est fondée à se prévaloir de l'article L. 113-9, alinéa 3, du code des assurances et de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 113-9, alinéa 3, du code des assurances, la déchéance des garanties acquises ou l'application de la réduction proportionnelle ne peuvent être mises en oeuvre que lorsque l'omission de déclarer est constatée après le sinistre ; que selon l'alinéa 2 du même article, lorsque l'omission de déclarer est constatée avant tout sinistre, l'assureur a le droit soit de maintenir le contrat moyennant une prime acceptée par l'assuré, soit de résilier le contrat dix jours après la notification adressée à l'assuré par lettre recommandée en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l'assurance ne court plus ; que la SCI du Moulin soutenait que la constatation de la non-déclaration par l'architecte de ses missions avait eu lieu au plus tard le 5 septembre 2008 alors que le sinistre ne s'était révélé qu'à l'occasion du rapport de diagnostic établi le 15 mai 2009 et de sa notification à la MAF le 17 juin 2009, de sorte que la constatation du défaut de déclaration étant antérieure au sinistre, l'article L. 113-9, alinéa 2, du code des assurances devait s'appliquer ; que la cour d'appel, qui a fait application de l'article L. 113-9, alinéa 3, du code des assurances sans vérifier si, comme le soutenait la SCI du Moulin, la constatation de l'absence de déclaration n'avait pas eu lieu avant le sinistre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-9, alinéas 2 et 3, du code des assurances ;

2°/ que le contrat d'assurance conclu entre la MAF et la société Atelier d'architecture Gilles X... reprenait en son article 5.22, les dispositions de l'article L. 113-9 du code des assurances, de sorte qu'il distinguait également lui-même, pour déterminer les conséquences de l'absence de déclaration, selon que sa constatation avait eu lieu avant ou après le sinistre ; qu'en ne vérifiant pas si, comme le soutenait la SCI du Moulin, la constatation de la non-déclaration par l'architecte de ses missions avait eu lieu au plus tard le 5 septembre 2008, ce dont il aurait résulté qu'elle avait eu lieu avant le sinistre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions dont elle était saisie et a ainsi méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile;

4°/ qu'aux termes de l'article L. 113-3 du code des assurances, le non-paiement des primes ne génère pas la réduction proportionnelle des garanties mais seulement le droit de résilier le contrat après l'avoir suspendu ; qu'en décidant que la garantie devait être réduite de 100 % dès lors que l'assuré n'avait pas réglé les primes, la cour d'appel a violé les articles L. 113-3 et L. 113-9 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat d'assurance entre la MAF et l'architecte avait pris effet le 1er janvier 2008, que celui-ci, qui était tenu de déclarer avant le 31 mars 2009 les missions accomplies au cours de l'année 2008, n'avait rien déclaré ni payé aucune cotisation jusqu'au 31 mars 2009, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a retenu à bon droit que la règle de réduction proportionnelle prévue à l'article L. 113-9, alinéa 3, du code des assurances était applicable et en déduire qu'en l'absence totale de versement de primes par l'architecte, la MAF était libérée de toute obligation ;

 

Pour mémoire, on rappellera que particulièrement pour les architectes, les polices délivrées comme des police RC à abonnement dont la vocation est de couvrir l’ensemble des interventions de l’assuré pendant une période déterminée se révèlent en réalité être de simple accords-cadres avec aliments par chantier dont les garanties sont régulièrement remises en question en cas de non-déclaration du chantier à l’assureur dans l’année qui suit son intervention.

Les refus de garantie sont alors fondés soit :

- Sur le non-respect d’une condition de fonctionnement de la police imposant la déclaration du chantier à l’assureur.

Cette position est validée par la Cour de Cassation, mais on rappellera cependant que dans ce dernier cas, les Maîtres d’ouvrage qui se sont vus remettre une attestation couvrant sans autre précision, l’ensemble des interventions de l’assuré pour une période considérée, seraient vraisemblablement t fondés à agir en RC professionnelle à l’encontre de l’assureur, pour leur avoir laissé croire à l’existence d’une garantie ferme qui n’était en réalité qu’une garantie subordonnée à une condition non explicitée dans l’attestation.

- Sur la RP de prime de l’article L 113-9 C Ass par application d’une réduction proportionnelle de l’indemnité en cas de sinistre, à hauteur de 100%, obtenue par comparaison non pas des taux de prime appliqués par rapport à celui qui aurait dû l’être comme le prévoit l’article , mais par comparaison de la prime qui aurait dû être payée, exprimée en valeur absolue et la prime effectivement payée , c’est-à-dire 0.

Bien que validée par la Cour de Cassation, cette solution est unanimement condamnée par le Doctrine comme contraire à la lettre même de l’article L 113-9, alors même qu’il existe un autre article du Code des assurances, l’article L 113-10, qui n’est certes pas d’ordre public mais dont la vocation est précisément d’intervenir en pareil cas.

Cf G Bigot « Assurances à primes et risques variables : Fausse route ?» JCP G 2008 I 207 ; P Dessuet Cass Civ 3ème 12 avril 2012 N° de pourvoi: 11-12786 11-13839 P Dessuet La non déclaration de chantier en RC décennale : Quelle sanction ? RDI 2012 p 354 ; Cass Civ 3ème 8 octobre 2013 N° de pourvoi: 12-25370