Déclaration du risque : réponse à des questions ou déclaration spontanée...

Écrit par Pascal Dessuet

Par cet Arrêt la Cour de cassation vient de mettre la dernière pierre à l’édifice d’une vaste construction jurisprudentielle concernant les modalités de la déclaration du risque à l’assureur :

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Désormais les choses deviennent parfaitement claires en matière de déclaration de risque. La Cour de Cassation fait une interprétation très stricte de l’article L 113-2 C Ass

Pour être valable et servir de fondement à d’éventuelles sanctions au titre de l’aggravation du risque voire de la fausse déclaration intentionnelle ou non, la déclaration de risque faite à l’assureur ne peut prendre que deux formes :

- La réponse à des questions posées par l’assureur dont on peut prouver l’existence

- Des déclarations spontanées transmises à l’assureur par l’assuré lui-même ou son courtier, dans le cadre de la présentation du risque à l’assureur.

Il en résulte que sauf à contenir des précisions telles qu’elles révèleraient nécessairement l’existence de questions préalablement posées, les déclarations de risques exprimées sous la forme de formules réimprimées dans les CP sont dépourvues de tout effet et ce, quand bien même seraient-elles déclarées « lues et approuvées » et signées de l’assuré.

Cass Civ 3ème 8 juillet 2015 N° de pourvoi: N° 13-25223 non publié

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le groupe Silgem, spécialisé dans la fabrication d'articles de quincaillerie en métal, a souscrit une police d'assurance " multirisques industriels " auprès de la société Albingia pour son propre compte et celui de ses filiales ; que le 13 juillet 1999, la société Moulin Galland, filiale du groupe Silgem et propriétaire de bâtiments à usage industriel couverts par cette police d'assurance, a vendu ces locaux à la SCI Foncimeaux, tout en demeurant dans les lieux en qualité de locataire ; que le 26 juillet 1999, le groupe Silgem a cédé à une société tierce sa filiale Moulin Galland qui a poursuivi son activité dans les locaux loués à la SCI Foncimeaux ; que par un avenant du 11 octobre 1999, les locaux ont été exclus du champ de la garantie souscrite auprès de la société Albingia ; que par jugement du 23 juillet 2001, la société Moulin Galland a été placée en liquidation judiciaire avec désignation de la SCP Z... A... en qualité de mandataire liquidateur ; qu'assistée du cabinet Y... X... conseil, agent d'assurance, la SCP Z... A..., ès qualités, a souscrit un contrat d'assurance auprès de la société GAN assurances pour garantir les locaux loués par la société Moulin Galland ; que ces locaux ont fait l'objet en novembre 2001 de vols et de dégradations ; que la société GAN assurances a refusé d'indemniser ce sinistre au motif que la superficie réelle des locaux ne correspondait pas à celle déclarée lors de la souscription du contrat ; que le 14 décembre 2001, les locaux ont été restitués à la SCI Foncimeaux qui a obtenu leur réintégration à compter de cette date dans le périmètre de la garantie souscrite par le groupe Silgem auprès de la société Albingia ; qu'en février 2002, les lieux ont été envahis et pillés ; que des transformateurs contenant du pyralène ayant été dégradés, des substances polluantes se sont déversées dans les locaux, puis dans une station d'épuration ; que les bâtiments ont été de nouveau saccagés en août 2002, octobre 2002 et décembre 2003 ; que la société Albingia a refusé sa garantie, en invoquant l'existence d'une fausse déclaration intentionnelle ; qu'après la réalisation d'une mesure d'expertise ordonnée en référé, la SCI Foncimeaux a assigné en indemnisation la société Albingia, la société Z... A..., prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Moulin Galland, et la société GAN assurances ; que la SCP A... B..., désignée en qualité de nouveau liquidateur de la société Moulin Galland, au lieu et place de la SCP Z... A..., devenue la SCP Z..., a été attraite en la cause, ainsi que MM. Y... et X... ; que la société Groupe Paris Tronchet assurances, assureur de MM. Y... et X..., est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur le troisième moyen, délibéré par la deuxième chambre civile :

Attendu que la SCI Foncimeaux fait grief à l'arrêt de déclarer mal fondée sa demande dirigée contre la société Albingia, d'annuler pour fausse déclaration intentionnelle l'avenant n° 14 qui avait été conclu entre la SCI et l'assureur et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence d'une éventuelle réticence ou fausse déclaration intentionnelle de l'assuré doit s'apprécier exclusivement au regard du questionnaire contenu dans le formulaire de déclaration du risque, énonçant de manière précise les questions posées par l'assureur à l'assuré et les réponses apportées à celles-ci par ce dernier ; qu'à défaut, l'assureur ne peut se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance encourue, par application des dispositions de l'article L. 113-8 du code des assurances ; qu'en jugeant néanmoins, en l'espèce, que l'avenant n° 14 à effet du 14 décembre 2001, ayant pour objet d'assurer le bâtiment de la SCI Foncimeaux auprès de la société d'assurances Albingia, « devait être annulé sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances », sans que l'assureur n'ait à produire aucun formulaire de déclaration du risque posant à l'assurée les questions auxquelles étaient censés correspondre les renseignements erronés, la cour d'appel a violé les articles L. 113-2-2° et L. 113-8 du code des assurances ;

2°/ que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'au cas d'espèce, en retenant que la SCI Foncimeaux avait « conscience » que les mesures de protection du site mises en oeuvre par ses soins « rendai ent ce bien particulièrement vulnérable » tout en considérant par ailleurs que le liquidateur de la société Moulin Galland, qui avait précédemment mis en place ces mêmes mesures, « ne pouvait pas mieux sécuriser ce site », la cour d'appel, qui s'est prononcée par deux propositions qui sont directement contradictoires en fait entre elles, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'omission d'une déclaration relative au risque assuré n'est une cause de nullité de la police d'assurance que lorsqu'elle a été faite de mauvaise foi, dans l'intention de tromper l'assureur ; que la bonne foi se présumant, la mauvaise foi doit donc être prouvée ; qu'elle ne saurait être déduite du seul caractère incomplet de la déclaration ; qu'en l'espèce, la SCI Foncimeaux avait souligné que le courtier avait adressé, le 6 décembre 2001, une lettre à l'assureur lui faisant état d'une part, de ce que les locaux n'étaient plus occupés par l'ancienne locataire depuis 1999 et, d'autre part, de ce que la valeur économique du bâtiment avait fortement baissé, ce dont il s'évinçait nécessairement que les déclarations de la SCI Foncimeaux étaient, en l'absence de tout questionnaire, conformes aux conditions de détention du bien, de sorte qu'en l'état de ces informations, il appartenait le cas échéant à l'assureur de solliciter, au besoin, des renseignements complémentaires pour lui permettre d'apprécier de manière plus circonscrite la nature du risque à assurer ; qu'en prononçant toutefois la nullité de la police d'assurance souscrite par la SCI Foncimeaux auprès de la société Albingia, motifs pris de ce que l'assurée avait omis de déclarer l'inoccupation des locaux depuis l'été 2001, leur forte dégradation ainsi que la présence de déchets industriels qui ne devaient pas être enlevés avant le 31 janvier 2002, la cour d'appel a fait peser sur l'assurée une obligation de renseignement renforcée, et a violé les articles L. 113-2-2° et L. 113-8 du code des assurances et 1134 du code civil ;

4°/ que la bonne foi se présumant, la mauvaise foi doit donc être prouvée ; qu'en l'espèce, en retenant, pour imputer à la SCI Foncimeaux une fausse déclaration intentionnelle, que sa mauvaise foi ne faisait aucun doute, dans la mesure où elle avait conscience de la vulnérabilité de son local et du fait que le risque s'était aggravé, la cour d'appel a présumé la mauvaise foi de la SCI Foncimeaux et a violé les articles 1315 et 2262 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que si l'article L. 113-2, 2° du code des assurances impose à l'assuré d'informer l'assureur des circonstances de nature à lui faire apprécier le risque qu'il prend en charge, lorsque lui sont posées des questions, l'existence éventuelle d'une fausse déclaration intentionnelle peut aussi s'apprécier au regard des déclarations faites par l'assuré à sa seule initiative lors de la conclusion du contrat, l'arrêt retient que le courtier de la SCI Foncimeaux a écrit à la société Albingia le 6 décembre 2001 pour lui demander de réintégrer les locaux dans la police souscrite par le groupe Silgem ; que cette réintégration doit être assimilée à la souscription d'un nouveau contrat ; que la lettre du courtier était rédigée dans ces termes : " Le bail signé entre la SCI Foncimeaux, propriétaire du bâtiment occupé par l'ancienne filiale Moulin Galland, et cette dernière arrive à échéance le 14 décembre et notre client nous demande de rentrer à nouveau la garantie du bâtiment dans la police compte tenu des intérêts communs " ; que le courtier, mandataire de l'assuré, a laissé croire à l'assureur que le bail de la société Moulin Galland était arrivé à échéance de manière parfaitement banale, alors que la société avait été mise en liquidation judiciaire depuis le 23 juillet 2001, ce qui avait entraîné la cessation de son activité industrielle dans les bâtiments assurés ; que dans la mesure où l'assureur a pu penser que les locaux allaient être reloués, dans des conditions normales, à un autre locataire ou repris par le propriétaire pour y exercer une activité industrielle, il n'avait aucune raison de poser à l'assuré des questions supplémentaires sur les conditions d'occupation du bien et sur son état ; que le fait que les locaux n'étaient plus occupés et faisaient l'objet de rondes occasionnelles par un maître-chien rendait ce bien particulièrement vulnérable, et ce d'autant que des gens du voyage avaient déjà pu s'y introduire en novembre 2001 ; que la mauvaise foi de la SCI Foncimeaux ne fait aucun doute, dans la mesure où elle avait parfaitement conscience que le risque s'était considérablement aggravé depuis le 1er octobre 1999 ;

Qu'en l'état de ces seules constatations et énonciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite en retenant que, même sécurisés au mieux, les locaux inoccupés étaient plus vulnérables, a pu décider que les déclarations spontanées du mandataire de l'assuré concernant les conditions de résiliation du bail étaient inexactes, qu'elle avaient été faites de mauvaise foi et avaient diminué l'opinion du risque pour l'assureur, de sorte que l'avenant n° 14 devait être annulé en application de l'article L. 113-8 du code des assurances ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, délibéré par la deuxième chambre civile :

Vu les articles L. 113-2, 2°, L. 112-3, alinéa 4, et L. 113-9 du code des assurances ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge ; qu'il résulte des deux autres que l'assureur ne peut se prévaloir d'une omission ou d'une déclaration inexacte de la part de l'assuré que si celles-si procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions ;

Attendu que pour faire application de la règle proportionnelle prévue à l'article L. 113-9 du code des assurances et condamner la société GAN assurances à payer à la SCI Foncimeaux la somme de 5 761, 26 euros seulement au titre du sinistre du mois de novembre 2001, l'arrêt énonce que l'article L. 113-2 du code des assurances oblige l'assuré à répondre aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque, ce qui signifie que l'assureur n'est pas tenu de produire un tel formulaire pour démontrer que l'assuré n'a pas déclaré correctement le risque lors de la souscription du contrat ; que l'assuré a manifestement commis une fausse déclaration lors de la souscription du contrat d'assurance puisque le ticket individuel de garantie signé par la SCP Z... A... mentionnait une surface de locaux de 500 m ² alors que la surface totale des bâtiments était supérieure à 11 000 m ² ; que le fait que le liquidateur ait approuvé les termes de ce document suffit à prouver l'existence d'une fausse déclaration ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les mentions pré-imprimées du ticket individuel de garantie dont l'assuré n'était pas le rédacteur ne permettaient pas de démontrer que les indications qui y étaient portées correspondaient à des réponses données par l'assuré à des questions posées préalablement à la souscription du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;