RC pour troubles anormaux : le voisin occasionnel est celui qui est présent

Écrit par Pascal Dessuet

La qualité de voisin occasionnel au sens de la jurisprudence dite « Georges V » sur les troubles anormaux de voisinage, permettant à un Maitre d’ouvrage ayant indemnisé les voisins d’être subrogé dans leur droit et d’agir lui-même à son tour, à l’encontre des entreprises devenues « voisins occasionnel » et débitrices à ce titre d’une RC sans faute, suppose une présence effective sur le chantier : Dès lors, cette qualité appartient au seul sous-traitant et non au traitant qui n’est pas présent sur le terrain

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Cass Civ 3ème 19 mai 2016  N° de pourvoi: 15-16248

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 février 2015), que Mme X... est propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation jouxtant celui de la société civile immobilière La Quesquoise (la SCI) ; que celle-ci a entrepris la démolition de trois garages adossés sur le mur mitoyen de l'immeuble de Mme X..., aux fins d'édifier une maison individuelle ; que les travaux de démolition et de terrassement ont été confiés M. Y..., assuré auprès de la MAAF, et les travaux de construction à la société Geoxia Nord Ouest ; qu'ayant constaté de graves désordres sur son immeuble, Mme X... a, après expertise, assigné la SCI en paiement de dommages-intérêts ; que la SCI a appelé en garantie M. Y..., qui a appelé en garantie son sous-traitant, l'EURL Z... (l'EURL), et la société MMA ;

Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner une cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 544 du code civil ;

Attendu que, pour condamner M. Y... in solidum avec la SCI et la société MMA à indemniser Mme X... de ses préjudices constitués par les dégradations sur son immeuble d'habitation, l'arrêt retient que M. Y... ne peut contester sa participation aux travaux de démolition et de terrassement, dès lors qu'il a lui-même choisi l'EURL pour lui confier leur réalisation effective, en sollicitant un devis et en facturant à la SCI les travaux, qu'il lui incombait de surveiller les travaux et d'en contrôler la bonne exécution et que ces faits caractérisent les actes matériels commis à la fois par M. Y... et par l'EURL ayant effectivement contribué à la survenance du dommage ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que M. Y... avait sous-traité la totalité des travaux de démolition et de terrassement à l'EURL, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE

Extrait premier moyen du pourvoi

ALORS D'UNE PART QUE seul le constructeur qui a réalisé lui-même des travaux, à l'origine d'un trouble sur un fond, peut voir sa responsabilité engagée au titre d'un trouble anormal du voisinage ; qu'en condamnant toutefois M. Jérémy Y... sur le fondement du trouble anormal de voisinage tout en relevant que M. Jérémy Y... avait sous-traité la totalité des travaux, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 544 du code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QU'en tout état de cause, la responsabilité pour trouble anormal de voisinage d'un constructeur est subordonnée à l'existence d'actes matériels ayant un lien de causalité directe avec la réalisation du trouble ; qu'en se bornant à retenir la responsabilité de M. Y... au titre d'un trouble anormal de voisinage, au seul motif qu'il avait choisi le sous-traitant et lui avait confié les travaux, sans relever l'existence d'actes matériels dont il aurait été l'auteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil.

ALORS ENFIN QU'en tout état de cause, la responsabilité pour trouble anormal de voisinage d'un constructeur est subordonnée à la preuve d'actes matériels ayant un lien de causalité directe avec la réalisation du trouble ; qu'en retenant la responsabilité de M. Jérémy Y... au titre d'un trouble anormal de voisinage, au motif qu'il aurait sous-traité les travaux, qui auraient été à l'origine du trouble allégué, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre le choix d'un sous-traitant et le trouble allégué, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil.