On peut réceptionner un ouvrage par lots, mais pas réceptionner partiellement un lot... Suite

Écrit par Pascal Dessuet

Arrêt Cass Civ 3ème 2 février 2017 N° 14-19.279 Arrêt no 143 FS-P+B+R+I (Suite)

Lire en PDF : flash 2017 98.pdf

Cf La note dans le rapport d’information de la Cour de Cassation du 15 juin 2017

https://www.courdecassation.fr/publications_26/bulletin_information_cour_cassation_27/bulletins_information_2017_7966/n_864_8253/#c748

Voilà un arrêt qui confirme par a contrario mais de la manière la plus claire, un double principe :

La réception est unique en ce sens qu’il n’y a pas de place pour la double réception : réception provisoire et réception définitive. C’est ce qui fait l’originalité de la loi de 1978 par rapport au droit antérieur

Par contre :

- La réception par lot à des dates différentes est parfaitement légale, même si elle est fortement déconseillée ; Il s’agit là de la confirmation d’une jurisprudence née en 2010

Cass Civ 3ème 16 novembre 2010 N° de pourvoi: 10-10828 RDI 2010 Obs P Malinvaud p 285 ; Chronique Cyrille Charbonneau Construction et Urbanisme Mars 2011 p 7

 Puis confirmée en 2011

Cass Civ 3ème 21 juin 2011 N° de pourvoi : 10-20216 RDI 2011 p 573 Obs Philippe Malinvaud

- A l’inverse un lot ne peut faire l’objet d’une réception partielle à peine de nullité de la réception

Cass Civ 3ème 2 février 2017 N° 14-19.279 Arrêt no 143 FS-P+B+R+I

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2014), que M. et Mme Chriqui ont entrepris la construction d'un pavillon ; que sont intervenus M. Roqueta, maître d'œuvre chargé d'une mission complète, l'entreprise JPM rénovation, assurée auprès des MMA et chargée du lot menuiserie extérieures (n o 6) et du lot fermeture (no 14), la société ACM, sous-traitante de JPM rénovation, la société CEG, assurée auprès de la SMABTP, fournisseur des fenêtres et portes-fenêtres sur commande de ACM, M. Lorenzo, assuré auprès de la société Thélem assurances, chargé de la pose des portes-fenêtres, et la société Sepalumic, fabricant de celles-ci ; que, des désordres et malfaçons étant apparus, M. et Mme Chriqui ont, après expertise, assigné les intervenants à l’acte de construire en indemnisation de leurs préjudices ;

Attendu que M. et Mme Chriqui font grief à l’arrêt de dire qu'il n'y a pas eu réception des lots 6 et 14 et de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :

1o/ que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter tout ou partie de l'ouvrage avec ou sans réserve ; qu'en retenant qu'il ne peut y avoir réception partielle à l'intérieur d'un même lot, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil par refus d'application ;

2o/ que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; qu'il incombe aux juges du fond devant qui l'une des parties invoque un acte de réception amiable de l'ouvrage de rechercher si l'acte en cause manifeste l'intention non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir ledit ouvrage, avec ou sans réserves ; qu'en se fondant sur l'importance particulière des désordres constatés par l'expert pour affirmer le caractère non réceptionnable des deux lots en cause, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a, par suite, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6, alinéa 1er, du code civil ;

3o/ que M. et Mme Chriqui faisaient valoir en appel que les réserves formulées lors de la réception du 13 juin 2008 ne faisaient état que de rayures, traces de chocs ou problèmes de fonctionnement mineurs, que la véritable ampleur des désordres liés à des vices cachés n'avait pu être constatée qu'un an après la réception à l'occasion d'intempéries et, ainsi, que les défauts seuls constatés à la date du 13 juin 2008 ne les auraient pas dissuadés de prononcer la réception, certes avec réserves; que la cour d'appel, s'abstenant de répondre à ces conclusions, s'est fondée sur l'importance particulière des désordres constatés par l'expert pour affirmer le caractère non réceptionnable des deux lots en cause ; qu'elle a ainsi méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4o/ que faute d'avoir recherché si, comme le soutenaient M. et Mme Chriqui, les principaux désordres n'étaient apparus que postérieurement à la réception, de sorte qu'ils n'avaient pu exercer aucune influence sur la volonté des parties à l'acte du 13 juin 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6, alinéa 1er, du code civil ;

Mais attendu qu’en raison du principe d'unicité de la réception, il ne peut y avoir réception partielle à l'intérieur d'un même lot ; qu’ayant relevé que la pièce, présentée comme procès-verbal de réception et établie par l’entreprise JPM rénovation, qui ne concernait que les travaux de menuiseries et de fermetures et se voulait être un procès-verbal de réception avec réserves des lots 6 et 14, comportait la mention manuscrite “non réceptionné” en face d'un certain nombre d'éléments, la cour d’appel en a exactement déduit une absence de réception de ces lots, de sorte que la responsabilité décennale des constructeurs ne pouvait être mise en œuvre, et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;