Validité d'une clause d'exclusion du fait volontaire

Écrit par Pascal Dessuet

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La Deuxième Chambre semble affirmer peu à peu sa jurisprudence sur l’exclusion conventionnelle du fait volontaire comme palliatif à sa rigueur demeurée intacte sur le terrain concernant l’exclusion légale au titre de la  faute intentionnelle :

Cass Civ 2ème 03 Juillet 2014 N° 13-20572 Non publié au bulletin Cassation

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 16 juin 2011, pourvois n° 10-21.474 et 10-23.559), que par contrat du 2 février 2000, la société Jet Air cargo, spécialisée dans le transit et le dédouanement des marchandises à l'aéroport de Marseille-Provence, a confié à la société Team Informatique, aux droits de laquelle vient en dernier lieu la société Sage FDC, assurée auprès de la société Axa France IARD (l'assureur), l'exécution de prestations de formation ainsi que de livraison et d'installation de logiciels informatiques ; que le 3 juillet 2003, après une première expertise ordonnée en référé, la société Jet Air cargo a assigné son cocontractant en résolution du contrat à ses torts exclusifs et en indemnisation devant le tribunal de commerce de Lyon ; que par jugement du 4 janvier 2005, confirmé par un arrêt du 15 juin 2006 devenu irrévocable, le tribunal de commerce a accueilli les demandes et ordonné avant dire droit une seconde expertise, ultérieurement rendue commune à l'assureur que la société Sage FDC avait appelé en garantie, pour évaluer les préjudices de la société Jet Air cargo ; qu'après dépôt du rapport, la société Jet Air cargo a repris l'instance devant le tribunal de commerce afin de voir condamner la société Sage FDC à l'indemniser de ses préjudices, avec intérêts de retard à compter de la mise en demeure ; que, par arrêt du 15 juin 2010, la cour d'appel de Lyon a condamné la société Sage FDC à payer à la société Jet Air cargo une certaine somme et a débouté la société Sage FDC de son appel en garantie dirigé contre l'assureur ; que cet arrêt a été cassé, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'appel en garantie de la société Sage FDC contre l'assureur ; que l'arrêt attaqué a condamné l'assureur à garantie ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de réformer le jugement quant à l'appel en garantie formé par la société Sage FDC contre lui, de le condamner à garantir les dommages immatériels auxquels la société Sage FDC est tenue, de le condamner à payer à la société Sage FDC la somme de 450 264 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2009 jusqu'au jour du paiement effectif par l'assureur, avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil, dans la limite du plafond de garantie de 762 245 euros et sans déduction d'une franchise, outre 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, qu'une clause d'exclusion de garantie peut concerner un dommage intentionnellement déclenché par l'assuré, que ce dommage ait été voulu par son auteur ou qu'il soit la conséquence involontaire d'actes de leur auteur ; qu'est formelle et limitée, sans vider le contrat de sa substance, la clause qui exclut seulement « les dommages qui résultent de façon inéluctable et prévisible d'un événement ayant, du fait conscient de l'assuré, perdu son caractère aléatoire », cette clause n'excluant de la garantie qu'un fait conscient commis par l'assuré, à condition en outre qu'il soit la source inéluctable d'un dommage ; qu'en jugeant le contraire et en retenant que l'application de cette clause supposait une faute intentionnelle, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1134 du code civil et L. 113-1 du code des assurances ;

 

Mais attendu que la cour d'appel a justement considéré que la clause du contrat d'assurance écartant de la garantie « les dommages qui résultent de façon inéluctable et prévisible d'un événement ayant, du fait conscient de l'assuré, perdu son caractère aléatoire » est insuffisamment précise et ne répond pas aux exigences de l'article L. 113-1 du code des assurances, selon lesquelles les clauses d'exclusion, pour être valables, doivent être formelles et limitées ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Attendu que les deux premières branches du premier moyen du pourvoi principal ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

 

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu les articles 1134 du code civil et L. 113-1, alinéa 1, du code des assurances ;

Attendu que, pour condamner l'assureur à payer à la société Sage FDC diverses sommes, l'arrêt écarte l'application de la clause d'exclusion de garantie prévue par l'article 4 du chapitre IV des conditions particulières du contrat d'assurance, après avoir énoncé qu'elle ne stipule pas, de manière claire et précise, une exclusion et qu'elle fait disparaître l'objet même du contrat ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse est formelle et limitée en ce qu'elle exclut la garantie de l'assureur pour « les conséquences pécuniaires résultant d'un retard apporté dans la fourniture d'un produit, matériel ou prestation de service, ou de la non-fourniture de ceux-ci, sauf lorsque le retard ou la non-fourniture résulte : d'un événement aléatoire indépendant de la volonté de l'assuré et ne mettant pas en cause la qualité de son organisation ; de l'indisponibilité de l'ingénieur chargé du projet lorsque cette indisponibilité est due à un accident, maladie ou au décès de celui-ci ; d'une erreur ou omission commise dans les différentes opérations ou tâches nécessaires à l'exécution de la prestation », la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les cinquième et sixième branches du premier moyen du pourvoi principal, sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Cette décision fait suite à plusieurs autres qui vont dans le même sens :

Cass Civ 2ème 30 avril 2014 N° de pourvoi: 13-16901 Romain Schulz RGDA 2014 N° 6 p 329

Cass Civ 2ème 12 juin 2014 N° de pourvoi: 13-15.836 13-16.397 13-17.509 13-21.386 13-25.565