Sous-sol inondable sans cuvelage : serait-ce l'assuré qui garantit l'assureur RC décennale?

Écrit par Pascal Dessuet

Dans le périmètre de l’assurance obligatoire, il n’est pas possible d’ajouter des exclusions de garantie en Dommages ouvrage à raison d’un défaut de cuvelage en zone inondable et de fait, les acquéreurs doivent être indemnisés par l’assureur DO même en ce cas, car :

- il n’est pas possible d’ajouter des clauses d’exclusions quelles qu’elles soient,

- l’amoindrissement de l’aléa qui en résulte ne doit pas être confondu avec sa disparition totale

- enfin l’acceptation des risques est une cause d’exonération de responsabilité, mais s’agissant d’une police de chose cela est inopérant, sauf à ce que l’acceptation des risques figure dans la liste des exclusions, ce qui ne peut évidemment pas être légalement le cas par l’effet des clauses types…

Lire en PDF : flash 2016-09991.pdf

Cf J Musial « La problématique des sous-sols inondables » RGDA 2013/4 p 835

Pour autant, et comme cela est rappelé dans la chronique précitée, l’assureur DO ne demeure pas sans recours contre le Maitre d’ouvrage, souscripteur de la DO après avoir indemnisé les acquéreurs :

- Dans une espèce visée dans la chronique en question, il avait été fait état d’un Arrêt admettant le recours de l’assureur DO à l’encontre du Maitre d’ouvrage, vendeur en VEFA, sans possibilité pour lui d’appeler en garantie son assureur CNR, à raison de la déchéance pour inobservation des règles de l’art prévu dans les clauses types de toutes les polices RC décennale dont la police CNR. Le non-respect des règles de l’art consistant à ne pas réaliser de cuvelage, ce qui par hypothèse ne pourra être invoqué si le PPRI impose néanmoins l’absence de cuvelage.

- Si les polices souscrites et notamment la police CNR comportent une clause par laquelle le souscripteur « garantit l’assureur de toute condamnation à ce titre »…

Même si on peut rester perplexe sur la légalité d’une clause contenue dans une police d’assurance DO stipulant un recours en remboursement de l’indemnité versée par le souscripteur même s’il n’est plus l’assuré, et a fortiori dans une police CNR où pour le coup, il s’agit de stipuler une garantie de l’assureur par l’assuré et donc d’organiser finalement un recours de l’assureur qui a indemnisé le tiers-victime à l’égard de l’assuré lui-même, ce qui rend la clause contestable et conduirait à se demander si cela n’est pas incompatible avec un contrat d’assurance :

En effet, l’article L 121-12 C Ass subroge l’assureur qui a indemnisé l’assuré contre les tiers responsables. Or l’assuré n’est pas un tiers… Néanmoins en l’espèce, l’assureur DO ne fonde pas son recours sur la subrogation, mais sur une garantie conventionnelle autonome donnée expressément par l’assuré….

Reste qu’on peut se demander si ce n’est pas là le dévoiement d’une institution d’ordre public qu’est le mécanisme de la subrogation conventionnelle, mais cela n’a pas été soulevé…

La plus grande prudence s’impose donc :

Cass Civ 3ème 15 septembre 2016 N° de pourvoi : 12-26985 Publié au bulletin

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis, 20 juillet 2012), que la SCCV, assurée en dommage ouvrage et responsabilité décennale auprès de la SMABTP, a, sous la maîtrise d’oeuvre de M. X..., architecte assuré auprès de la MAF, fait édifier un immeuble qu’elle a vendu par lots en l’état futur d’achèvement ; que sont notamment intervenus à la construction la GTOI, assurée auprès de la société Axa corporate, la société Omnium fluides et, en qualité de maître d’oeuvre d’exécution, la société CPS ; que la réception est intervenue pour la tranche I en mars 2002 et pour la tranche II en novembre 2002 ; qu’en février 2003 le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Terrasses fleuries a signalé à la SCCV la survenance d’inondation dans le deuxième sous-sol de la résidence et la panne consécutive des ascenseurs ; que la société INSET est alors intervenue à la demande de la SCCV en vue de préconiser une solution aux inondations, les travaux étant confiés à la société Omnium fluides ; que, ces travaux étant inefficaces et le système de pompes de relevage devant être changé, le syndicat des copropriétaires a déclaré le sinistre à la SMABTP, laquelle a refusé sa garantie ; que le syndicat des copropriétaires a, après expertise, assigné la SCCV et la SMABTP, en sa qualité d’assureur en responsabilité décennale, en paiement in solidum de diverses sommes au titre du coût des travaux de reprise, de celui des travaux déjà réalisés et de son préjudice de jouissance ; que des appels en garantie ont été formés ;

Attendu que la SCCV fait grief à l’arrêt de la condamner à relever indemne la SMABTP des condamnations prononcées contre elle au bénéfice du syndicat des copropriétaires, alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions ont force obligatoire tant entre les parties qu’à l’égard du juge, si bien qu’en condamnant la SCCV Les Terrasses fleuries à relever indemne la SMABTP des condamnations prononcées à son encontre et au profit du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Terrasses fleuries, en application de l’article 7 bis des polices d’assurances liant les parties, aux termes duquel la SCCV Les Terrasses fleuries s’était portée garante vis-à-vis de l’assureur de toute réclamation pouvant émaner des acquéreurs de l’ouvrage du fait des conséquences dommageables qui pourraient résulter de l’infiltration d’eau dans les locaux, liée au caractère inondable du sous-sol, après avoir pourtant constaté que les dommages en cause trouvaient leur origine dans la seule insuffisance des installations de pompage mises en place pour y pallier, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ que doit être réputée non écrite comme faisant échec aux règles d’ordre public régissant l’assurance obligatoire en matière de construction, la clause d’une police d’assurance ayant pour conséquence d’exclure de la garantie les dommages résultant d’une circonstance non prévue par les clauses types figurant aux annexes de l’article A 243-1 du code des assurances, de sorte qu’en décidant, pour condamner la SCCV Les Terrasses fleuries à relever indemne la SMABTP des condamnations prononcées à son encontre et au profit du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Terrasses fleuries, de faire application de l’article 7 bis des polices d’assurances souscrites par la SCCV Les Terrasses fleuries auprès de la SMABTP, quand il avait pour effet d’exclure de la garantie les dommages résultant de l’insuffisance du dispositif mis en place pour prévenir les conséquences dommageables d’inondations, circonstance non prévue par les clauses types figurant aux annexes de l’article A 243-1 du code des assurances, la cour d’appel a violé les articles L. 243-8 et A 243-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu’ayant constaté que la police stipulait que le maître de l’ouvrage reconnaissait que le niveau du sous-sol inondable ne comportait pas, pour sa partie enterrée, de dispositifs aptes à s’opposer à toute remontée d’eau ou toute infiltration d’eau, renonçait à tout recours contre l’assureur pour toute conséquence dommageable qui pourrait résulter de l’infiltration d’eau dans ces locaux et s’engageait, en cas de vente de l’ouvrage assuré, à répercuter ces dispositions dans l’acte de vente et se portait garant vis-à-vis de l’assureur de toute réclamation pouvant émaner de ce fait de l’acquéreur, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, qu’en application de cette stipulation claire du contrat, la SCCV devait garantir et relever indemne la SMABTP des condamnations prononcées contre elle au bénéfice du syndicat des copropriétaires ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;