Double révolution en matière de travaux sur existants...

Écrit par Pascal Dessuet

Spectaculaire revirement en matière de travaux sur existant :

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+ Les éléments d’équipements installés sur un existant sont éligibles aux garanties légales de responsabilité par principe sans autre forme de condition

+ L’impropriété à la destination se mesure à l’aune de l’ouvrage existant et non plus des travaux neufs eux-mêmes…

Cass Civ 3ème 15 juin 2017 N° 16-19.640 FS-P+B+R+I

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 21 avril 2016), que M. X... a confié la fourniture et la pose d’une pompe à chaleur air-eau à la société Inno 59, assurée auprès de la société AXA ; que cette installation a été financée par un prêt consenti par la société Domofinance ; qu’invoquant des dysfonctionnements, M. X... a assigné le liquidateur judiciaire de la société Inno 59, la société AXA et la société Domofinance ;

Attendu que, pour rejeter ces demandes, l’arrêt retient que les éléments d’équipement bénéficiant de la garantie décennale sont ceux qui ont été installés au moment de la réalisation de l’ouvrage, ce qui n’est pas le cas de la pompe à chaleur considérée par rapport à l’ouvrage constitué par la construction de la maison de M. X... ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

I - Les éléments d’équipements installés sur un existant sont éligibles aux garanties légales de responsabilité par principe sans autre forme de condition

En l’espèce, on était assez proche de la simple adjonction d’un élément d’équipement dissociable et c’est d’ailleurs ainsi que la Cour d’Appel l’avait entendu, même si cette partie de la motivation n’est pas reprise dans l’Arrêt de la Cour de Cassation :

L'installation litigieuse comportait une unité intérieure et une unité extérieure et l’expert judiciaire précisait ceci :

" L'unité extérieure est posée à trente centimètres de la clôture dans le jardin. La longueur entre récupérateur et machine est de plus de vingt mètres dont une partie passe en cave puis en buanderie. L'ouvrage n'est pas intégré au bâtiment. Des percements ont été effectués pour laisser passer les canalisations entre unité extérieure et unité intérieure (cloison entre couloir et cave, mur entre cave et buanderie et mur extérieur de la buanderie vers le jardin). Ces percements sont limités en nombre et en dimensions au strict nécessaire. Ces murs et cloisons ne présentent pas de dégradations consécutives à ces percements. Le gros-œuvre n'a pas été altéré par ces percements. " ;

Et pourtant la motivation est claire et précise :

« Les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination »

Toute autre forme de restriction a disparu, la jurisprudence excluant les éléments d’équipement simplement adjoint semble abandonnée et d’une manière générale tous les critères servant à déterminer si l’installation constituait ou non un ouvrage.

II - L’impropriété à la destination se mesure à l’aune de l’ouvrage existant et non plus des travaux neufs eux-mêmes…

Il s’agit d’un spectaculaire revirement de jurisprudence :

Contra :

Cass Civ 3ème 31 Mai 1995 N° de pourvoi: 93-18874 N° 1119 ; Cass Civ 18 juin 2008 N° de pourvoi: 07-12977 RDI 2008 p 448 Obs Malinvaud ; Cass Civ 3ème 12 juin 2014 N° de pourvoi: 13-16789 et Cass Civ 3ème 24 Septembre 2014 N° 13-19615 ;

Et encore très récemment à propos précisément de pompes à chaleur :

Cass Civ 3ème 24 Septembre 2014 N° 13-19615

« Vu les articles 1792 et 1792-2 du code civil ;

Attendu que pour débouter la société Maison Malleval de ses demandes formées sur l'article 1792 du code civil, l'arrêt retient que s'agissant d'un ouvrage conçu au sein d'un bâtiment de commerce et bureaux afin de rafraîchir l'air ambiant, il doit être considéré en raison de son importance et de son emprise sur le sous-sol comme constituant un élément d'équipement, que, compte tenu du fait qu'il ne s'agit pas d'un ouvrage autonome mais d'un simple élément d'équipement, l'impropriété à destination ne se conçoit pas au niveau de l'élément d'équipement lui-même mais bien à celui de l'ouvrage desservi dans son ensemble et que la société Maison Malleval ne dit pas en quoi un certain rafraîchissement de l'air ambiant était nécessaire au bon fonctionnement de sa surface de vente en rez-de-chaussée et de ses bureaux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'installation d'un système de climatisation par pompe à chaleur immergée au fond d'un puits en contact avec la nappe phréatique sur un ouvrage existant constitue un ouvrage dont l'impropriété à destination s'apprécie indépendamment de l'immeuble pris dans son ensemble, la cour d'appel a violé les textes susvisés »

Sur l’ensemble des questions liées aux pompes à chaleur :

Quelle responsabilité et donc quelles assurances pour les travaux de rénovation énergétique comportant la mise en œuvre de pompes à chaleur » ; Philippe Malinvaud De la responsabilité en cas de dysfonctionnement des pompes à chaleur – RDI 2017 p 101 ; P Dessuet RGDA 2016 p 310 « Quelle responsabilité et donc quelles assurances pour les travaux de rénovation énergétique comportant la mise en œuvre de pompes à chaleur » ;