Police RC : les exclusions pour défaut d’entretien demeurent illégales

Écrit par Pascal Dessuet

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Plus que jamais l’exclusion au titre du défaut d’entretien voit sa légalité remise en cause. La question se pose donc de la légalité de la clause type sur le sujet

+ Un arrêt de rejet non publié de la deuxième chambre aurait pu un instant laisser à penser que la Cour de Cassation revenait sur sa position traditionnelle consistant à considérer que les exclusions pour défaut d’entretien devaient être réputées non écrites, faute de répondre aux exigences de précision posées par l’article L 113-1 C Ass :

Cass Civ 2ème 3 octobre 2013 N° de pourvoi: 12-23.684 Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 octobre 2010), qu'à la suite des dégâts des eaux survenus en janvier 2000 dans un studio lui appartenant au rez-de-chaussée de l'immeuble en copropriété provenant d'un studio situé au premier étage, propriété des consorts X..., la société Groupe Franklin a assigné en réparation de son préjudice tant les consorts X... que le syndicat des copropriétaires ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de confirmer le rejet de leur demande de garantie, formée contre l'assureur et de les condamner à payer diverses sommes au profit du groupe Franklin et du syndicat des copropriétaires, alors, selon le moyen :

1°/ que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré étant à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police, la clause excluant la garantie de l'assureur en cas de défaut d'entretien ou de réparation caractérisé et connu de l'assuré ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées n'est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application en raison de son imprécision ; qu'après avoir constaté que le contrat d'assurance consenti par l'assureur pour le studio appartenant aux consorts X... à Paris comporte une clause d'exclusion de garantie, dans laquelle il est stipulé « nous ne garantissons pas les infiltrations dues à l'usure ou à défaut de réparation ou d'entretien indispensable incombant à l'assuré (tant avant qu'après sinistre), sauf cas de force majeure », la cour d'appel, qui a fait application de cette clause pourtant non formelle et non limitée, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré étant à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police, la clause excluant la garantie de l'assureur en cas de défaut d'entretien ou de réparation caractérisé et connu de l'assuré ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées n'est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application en raison de son imprécision ; qu'en se bornant à affirmer que la clause d'exclusion de garantie contenue dans le contrat d'assurance consenti par l'assureur pour le studio appartenant aux consorts X... à Paris aurait « une formulation claire » et qu'elle aurait « respecté les préconisations de l'article L. 113-1 du code des assurances » sans rechercher, comme il lui était demandé par les consorts X..., si cette clause se référait à des faits, circonstances ou obligations définis avec précision ou si elle devait donner lieu à interprétation, si cette clause était fondée sur des hypothèses limitativement énumérées et si cette clause permettait à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie à lui consentie, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la clause contractuelle d'exclusion de garantie visait expressément, dans une formulation claire respectant les préconisations de l'article L. 113-1 du code des assurances, le défaut de réparation ou d'entretien indispensable incombant à l'assuré, tant avant qu'après sinistre, sauf cas de force majeure ; que l'expertise a démontré que les infiltrations étaient dues au mauvais état des installations sanitaires et à l'absence d'étanchéité des parois murales et du sol ; que le premier désordre s'est manifesté en 2000 et que des réparations certes insatisfaisantes ont été commandées par Mme X... en 2001 mais qu'elles n'ont pas mis fin au désordre qui s'est poursuivi et a pris de l'ampleur, jusqu'au départ du locataire ; qu'ainsi il apparaît que les causes du désordre étaient connues des assurés à partir de 2000 mais qu'ils n'ont pas pris les mesures suffisantes pour empêcher l'aggravation du désordre ; que dès lors sera-t-il considéré qu'informés du sinistre les consorts X... n'ont pas fait procéder aux réparations nécessaires pour y mettre fin ; que les conditions d'application de la clause d'exclusion de garantie dont il s'agit sont réunies ; que l'assureur est, par conséquent, fondé à ne pas accorder sa garantie ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la clause d'exclusion de garantie prévue au contrat, formelle et limitée, devait recevoir application ;

+ Alors qu’en 2012…la troisième chambre énonçait…

Les exclusions générales pour défaut d’entretien ne répondent pas aux critères de précision de l’article L 113-1 C Ass.

Civ. 3e, 26 septembre 2012, FS-P+B, n° 11-19.117

Sur le premier moyen :

Vu l’article L. 113-1 du code des assurances ;

Attendu que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 24 mars 2011), que Mme Z..., aux droits de laquelle se trouvent les consorts Y..., était propriétaire d’un immeuble dont le rez-de-chaussée était exploité comme débit de boissons et les étages comme hôtel ; que, par acte du 30 juin 2001, Mme Z... a donné à bail commercial les locaux à usage de débit de boissons à la société MGE, les locaux étant exploités par les époux X... ; que, par acte du 30 avril 2004, Mme Z... a vendu à la société Laurent Volclair les 1er, 2e, 3e et 4e étages de l’immeuble en conservant la propriété du rez-de-chaussée ; que l’immeuble a été placé sous le régime de la copropriété ; qu’un état parasitaire de l’immeuble a été réalisé par la société Mentor ingénierie, assurée auprès de la société SMABTP et qu’un état apparent des structures a été confié à la société Novabat, assurée auprès de la MAF ; que la société Laurent Volclair a entrepris de faire réaliser des travaux de rénovation ; qu’une mission de maîtrise d’oeuvre incluant la conception et la rédaction des CCTP a été confiée à la société Novabat, le maître de l’ouvrage se réservant la maîtrise d’oeuvre d’exécution ; que les travaux de maçonnerie et gros oeuvre ont été confiés à la société Alvoro et Diogo, assurée auprès de la société MAAF ; qu’une rupture du plancher du 3e étage a entraîné l’effondrement des étages situés en-dessous et la destruction du commerce ; que la société MGE et les époux X... ont assigné leur bailleur, le syndicat et son assureur, la société Laurent Volclair, la société Novabat, la société Alvoro et Diogo et la société MAAF en indemnisation de leurs préjudices; que le syndicat a formé des appels en garantie ;

Attendu que pour mettre hors de cause la société AXA France l’arrêt retient que le syndicat a souscrit auprès de cette société un contrat multirisque immeubles garantissant sa responsabilité en qualité de propriétaire, que dans les conditions générales figurait une exclusion selon laquelle “Aux termes de l’article 1964 du code civil, le contrat d’assurances garantit un risque aléatoire et par conséquent la survenance d’un des risques assurés dépend par nature d’un événement incertain. Ainsi, n’entre ni dans l’objet ni dans la nature du contrat l’assurance des dommages ou responsabilités ayant pour origine un défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré, caractérisé, et connu de lui”, qu’en l’espèce, il a été rappelé que le syndicat avait connaissance de l’audit technique décrivant des désordres inquiétants qui auraient dû le conduire à s’inquiéter des mesures conservatoires devant immédiatement être mises en oeuvre, que l’entretien d’un immeuble comprend les mesures conservatoires nécessaires à sa pérennité, que le sinistre trouve par ailleurs son origine dans l’absence de mise en oeuvre de ces mesures et que, dès lors, il n’est pas garanti par le contrat d’assurances ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la clause excluant la garantie de l’assureur de la copropriété en cas de défaut d’entretien ou de réparation caractérisé et connu de l’assuré ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées n’était pas formelle et limitée et ne pouvait ainsi recevoir application en raison de son imprécision, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

+ Et même encore en début 2013 :

Cass Civ 3ème 09 avril 2013 N° de pourvoi: 11-18212 Note M Asselain RGDA 2013 p 868

Attendu, ensuite, qu'ayant retenu que la police d'assurance ne définissait ni les notions de défaut permanent d'entretien et de réparations indispensables à la sécurité, ni celles d'incurie de l'assuré dans la réparation d'entretien, la cour d'appel en a exactement déduit que la clause d'exclusion figurant à l'article 8, 3°) des conditions générales du contrat n'était ni formelle ni limitée et que la société Axa France devait sa garantie ;

+ En réalité la contradiction n’était qu’apparente, il n’aura fallu que deux mois pour que la Deuxième Chambre revienne en urgence sur cette position par deux arrêts dont l’un est publié cette fois.

Cass Civ 2ème 12 décembre 2013 N° de pourvoi: 12-29862 publié et cassation

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que Jacques X..., décédé en octobre 2000, aux droits duquel se trouve M. Christophe X... (M. X...), était propriétaire d'un château féodal pour lequel il avait souscrit par l'intermédiaire d'un courtier aux droits duquel se trouve M. Y..., auprès de la société Le Monde, aux droits de laquelle sont venues successivement les sociétés Via assurances IARD (Nord et Monde), AGF IART (la société AGF), puis Allianz IARD (l'assureur), une police d'assurance à effet du 11 mars 1977, prévoyant une couverture contre les incendies et les explosions ; qu'en 1982, les entreprises d'assurances ont décidé d'étendre, par voie de pollicitation, la garantie tempête à tous les assurés ayant souscrit une garantie incendie ; que l'immeuble a été endommagé, notamment au niveau de la toiture, par les effets d'une tempête survenue le 26 décembre 1999 ; qu'à la suite du dépôt du rapport du cabinet d'expertise désigné par l'assureur, un différend a opposé les parties sur le principe d'une limitation de garantie ; qu'à la suite de l'avis émis par le médiateur de la Fédération française des sociétés d'assurances (la FFSA) le 13 février 2003, les parties sont convenues le 1er décembre 2003 d'indemniser le sinistre sur la base des dispositions de l'intercalaire spécifique P 14/ 83 « risques à usage d'habitation, convention d'assurance des dommages causés par les tempêtes, la grêle et la neige sur les toitures », en versant une somme de 173 341, 90 euros à valoir sur l'indemnité définitive à déterminer aux termes d'une expertise complémentaire ayant pour objet l'actualisation des dommages constatés au cours des opérations d'expertise ; que M. X... ayant refusé l'indemnisation proposée au vu des dernières constatations d'expertise, a, en dépit d'un second règlement, assigné l'assureur et M. Y... en indemnisation de son entier préjudice ;

 

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le troisième moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

 

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Attendu que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de condamnation de l'assureur à lui payer l'indemnité d'assurance, l'arrêt énonce par motifs propres et adoptés que l'intercalaire P 14/ 83 dont se prévaut l'assureur exclut de la garantie les « dommages résultant d'un défaut de réparations ou d'entretien indispensables incombant à l'assuré et les dommages de mouille et ceux occasionnés par le vent aux bâtiments non entièrement clos et couverts et à leur contenu » ; que ces exclusions sont limitées dans leur nombre et leur contenu ; qu'elles ont un libellé clair et précis, qui laisse un objet dans le champ de la garantie et se trouve conforme aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette clause, ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, n'était pas formelle et limitée et ne pouvait ainsi recevoir application en raison de son imprécision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi

Cass Civ 2ème 12 décembre 2013 N° de pourvoi: 12- 25777 cassation


Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société MACIF :

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué , que la société SPIM, aujourd'hui en liquidation, a vendu à Mme X... dans un immeuble assuré auprès de la société Axa France IARD (Axa) un appartement pour lequel Mme X... a souscrit une police d'assurance habitation, auprès de la société MACIF ; qu'à la suite d'un dégât des eaux consécutif à un orage, Mme X... a assigné le vendeur en responsabilité et réparation des dommages subis, et les sociétés Axa et MACIF en exécution des contrats d'assurance;

Attendu que pour dire que la société Axa ne devait pas sa garantie et prononcer sa mise hors de cause, l'arrêt énonce que le contrat d'assurance souscrit par la société SPIM excluait de façon claire des garanties les sinistres résultant d'un défaut d'entretien de l'immeuble ; que le sinistre ayant, selon l'expert, pour origine le mauvais état des canalisations qui étaient bouchées, vétustes et non entretenues, la garantie d'Axa ne saurait être engagée sur ce point ;

Qu'en statuant ainsi alors que la clause excluant la garantie de l'assureur de la copropriété en cas de défaut d'entretien ou de réparation caractérisé et connu de l'assuré ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées n'était pas formelle et limitée et ne pouvait ainsi recevoir application en raison de son imprécision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE

 

Pour aller plus loin : Pour un étude complète sur la question étendue à la problématique de la clause type:

D Noguero Les conditions de validité de la clause d'exclusion conventionnelle pour défaut d'entretien ou de réparation incombant à l'assuré RDI 2012 p 633

On pourrait ainsi comme le fait le Professeur Noguero, s’interroger sur la légalité de la clause type qui reproduit cette exclusion.

Certes la légalité de la clause de déchéance reprise dans la clause type au regard de l’article L 113-1 a déjà été soulevée en vain devant la Cour de Cassation :

 

Cass  Civ. 1re, 21 mai 1985, N° 84-11.633 Arrêt N° 427 Bull. civ. I, no 154 ; RDI 1985, p. 402, obs. G. Durry, RDI 1987, p. 260, obs. G. Leguay ;

Attendu que l'entreprise Gomez-Cerquiera fait grief aux juges du second degré d'avoir, en se fondant sur une telle clause d'exclusion, qui serait "de caractère trop général", violé l'article L.113-1 du Code des assurances, dont il résulte que sont seules valables les exclusions de garantie formelles et limitées;

Mais attendu que la clause litigieuse de cette police "adaptée à la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978" reproduit les termes de la clause-type libellée dans l'annexe I à l'article A. 241-1 du Code des assurances; que ses termes sont suffisamment formels et limités pour que l'assuré puisse en comprendre la portée; que l'arrêt attaqué a relevé en se fondant sur les constatations de l'expert et de la société de contrôle technique SOCOTEC que les fermes de la charpente métallique étaient beaucoup trop faibles, que les conditions dans lesquelles cette charpente avait été conçue et posée constituaient un défi au bon sens et que son constructeur avait violé les normes usuelles les plus évidentes; que la Cour d'appel qui a précisé la nature du document technique, C M 66, dont l'inobservation constituait, de la part de l'assuré, cette faute inexcusable, a ainsi légalement justifié sa décision, sans violer le texte invoqué par le moyen, qui ne peut être accueilli.

Ou encore

Civ. 3e, 6 mai 1998 N° 658, N° 96-15.120. Arrêt n° 658 RDI 1998 p 400, obs. critique. G. Leguay;

Mais attendu qu'ayant constaté que la clause de déchéance invoquée par la compagnie Samda Groupama reprenait les termes de l'annexe I à l'article A. 243-1 du Code des assurances en cas de faute inexcusable de l'entrepreneur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

 

V. cependant contra

Dijon, 28 oct. 1997, RDI 1998 p 400, obs. approbatrices G. Leguay

On pourrait néanmoins trouver une atténuation à cette jurisprudence :

Il convient de préciser en effet, que dans l’arrêt du 6 mai 1998 (Civ. 3e, 6 mai 1998, N° 96-15.120 arrêt n° 658, RDI 1998, p. 400, obs. critique. G. Leguay), on contestait la légalité de la clause contractuelle de déchéance, ce à quoi le juge ne pouvait que répondre en constatant que ladite clause était conforme à la clause type constituant le droit positif applicable…