Qu’entendre par « travaux de réparation de l'ouvrage » en assurance obligatoire ?
Écrit par Pascal DessuetLire en pdf : flash travaux de reparation.pdf
Au terme de l’article L 242-1 C Ass, la garantie de la police Dommages Ouvrage est limitée à la prise en charge « des travaux de réparation de l’ouvrage ».
Il en va de même au titre de la clause type applicable en matière de police RC décennale (Art A 243-1 Annexe I C Ass)
Mais qu’entendre par là ?
La Cour de Cassation reprend en janvier 2014, sa jurisprudence classique consistant à considérer que les ouvrages relais nécessaires à la poursuite de l’activité durant les travaux de réparation, n’intègrent pas la notion de « travaux de réparation de l’ouvrage » :
Cass Civ 3ème 15 janvier 2014 N° de pourvoi: 11-28781
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, réunis :
Vu les articles L. 241-1, L. 242-1 et A. 243-1 du code des assurances et les annexes I et II à ce dernier article, dans leur rédaction applicable à la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 26 septembre 2011), qu'au cours des années 1998 et 1999, la société Fromagerie du pays d'Aramits (la fromagerie) a, sous la maîtrise d'œuvre de M. X..., fait construire un bâtiment et a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société Albingia ; que le lot isolation-menuiserie comprenant la pose de panneaux isolants fabriqués par la société Telewig a été confié à la société MCF du Sud-Ouest (société MCF), assurée auprès de la société Générali ; que des désordres étant apparus, la fromagerie a, après expertise, assigné la société Albingia, la société X... et son assureur la MAF, la société MCF et son assureur de responsabilité décennale, la société Générali , la société Socotec, et son assureur la SMABTP, la société Telewig et son assureur, la CAMBTP en indemnisation ;
Attendu que pour condamner les sociétés Albingia et Générali à payer à la fromagerie, in solidum avec la société X..., la MAF, la société MCF, la société Telewig et la CAMBTP la somme de 1 165 030,01 euros dont 558 875,28 euros pour le coût de la surface tampon, faire droit aux demandes de garantie formées par la société Albingia à l'égard des constructeurs responsables et de leurs assureurs et rejeter la demande de la société Générali tendant à voir appliquer les limites de garantie prévues par le contrat souscrit par son assurée, l'arrêt retient que les travaux de construction de hâloirs et de caves provisoires dénommées « surface tampon » étant indispensables pour éviter l'arrêt de l'exploitation pendant les travaux de réfection des locaux affectés par les désordres, leur coût ne constitue pas un dommage immatériel mais une composante à part entière des travaux de reprise tels que définis par l'expert ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la construction de bâtiments provisoires ne pouvait être assimilée à des travaux de réfection réalisés sur l'ouvrage affecté de désordres ou à la remise en état des ouvrages ou éléments d'équipement de l'opération de construction endommagés à la suite d'un sinistre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
V dans le même sens :
Cass Civ 3ème 13 janvier 2010 pourvoi n° 08-18.853 N° 32 RDI 2010 p 167 G Leguay
Attendu que pour condamner in solidum avec la société Sodimav la SMABTP et la société Axa France à verser à la société Ace la somme en principal de 186 182, 33 € comprise dans celle de 1 343 423, 86 €, et dire que la SMABTP ne pouvait opposer son plafond de garantie contractuellement prévu pour les dommages immatériels, l'arrêt retient que cette somme ne correspond pas à l'indemnisation d'une perte d'exploitation, que l'exécution de certains travaux pendant le week-end est une simple modalité de réparation des désordres, que la réalisation de locaux provisoires s'imposait, compte tenu du caractère alimentaire de l'activité de l'entreprise et des réglementations d'hygiène auxquelles elle était soumise, pour procéder efficacement et à moindre coût à la réparation des désordres et qu'en conséquence, les frais exposés pour permettre la continuité de l'exploitation de l'activité du maître de l'ouvrage pendant la remise en état des locaux sinistrés doivent être considérés comme relevant de la réparation des dégradations subies par les bâtiments, et, par conséquent, comme faisant partie des dommages matériels ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la construction de bâtiments provisoires ne pouvait être assimilée à des travaux de réparation réalisés sur l'ouvrage affecté de désordres lui-même, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Cass Civ 3ème 14 avril 2010 N° de pourvoi: 09-10515 Publié au bulletin
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique des deux pourvois provoqués, réunis :
Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances ainsi que l’annexe 1 à ce dernier article, dans leur rédaction alors applicable ;
Attendu que pour dire que le coût des travaux immobiliers évalués par l’expert dont la création d’un local “tampon” ne constitue pas un dommage immatériel, dire que la société Axa France et la société MMA IARD ne peuvent opposer un plafond de garantie en matière d’assurance décennale obligatoire, condamner la société Axa à payer à la société Bongrain la somme de 862 558, 82 euros, condamner la société MMA à garantir la société Axa à hauteur de 363 199, 56 euros et condamner la société SMABTP à garantir la société Axa à hauteur de 499 359, 25 euros, l’arrêt retient que les travaux en cause étaient en réalité destinés à permettre la mise en oeuvre des travaux de reprise eux-mêmes nécessaires pour remédier aux désordres, que les frais générés par ces travaux ne correspondent pas en tant que tels au dédommagement d’un préjudice d’exploitation ou de jouissance mais à la construction d’un ouvrage nécessaire au processus de réparation dont il constitue une modalité préalable, que comme tel ils font nécessairement partie intégrante des travaux réparatoires et ne peuvent dès lors constituer un enrichissement sans cause puisque indispensables pour rendre l’installation initiale conforme à sa destination, que les assureurs ne sauraient par ailleurs mettre en avant le fait que le maître de l’ouvrage conserverait finalement ce bâtiment “tampon” alors qu’aucun ne s’est déclaré prêt à assumer le coût de la démolition et de la remise en état des lieux et que les frais de construction de ce bâtiment “tampon” ne ressortissant pas de la qualification de dommages immatériels, les assureurs ne peuvent se prévaloir de plafonds de garantie applicables à la garantie facultative de ces mêmes dommages ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la construction de bâtiments provisoires ne pouvait être assimilée à des travaux de réfection réalisés sur l’ouvrage affecté de désordres lui-même, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Par contre tout ce qui est nécessaire à la réparation de l’ouvrage lui-même demeure dans le périmètre des travaux de réparation de l’ouvrage :
Ainsi, les frais de déménagement/manutention sont des dommages à l’ouvrage couverts au titre des garanties obligatoires d’une police RC décennale et non des immatériels.
Cass Civ 3ème 20 octobre 2010 Pourvois n° 09-15.093, n° 09-66.968 Arrêt n° 1250
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er avril 2009), qu'à la suite de l'incendie de ses bâtiments d'exploitation, la société Vitakraft, qui a pour activité la production et la vente d'aliments et accessoires pour animaux, a entrepris la reconstruction de ses locaux ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société Cotrex, assurée auprès de la société Mutuelles du Mans assurances (MMA) ; que le lot dallages a été confié à la société Rocland, assurée en responsabilité décennale auprès de la société Axa France IARD (Axa) et en responsabilité civile auprès de la société GAN Eurocourtage IARD (GAN) ; que le contrôle technique a été confié à la société AINF, aux droits de laquelle se trouve la société Socotec ; que la réception a été prononcée sans réserves le 2 août 2002 ; que des fissures du dallage étant apparues, une expertise a été ordonnée ; qu'après dépôt du rapport, la société Vitakraft a assigné les intervenants à l'acte de construire en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° C 09-66.968:
Attendu que la société MMA fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Cotrex, la société Socotec et la société Axa, à payer à la société Vitakraft la somme de 3 584 098,68 euros TTC au titre des réparations, alors, selon le moyen :
1°/ que les notions de préjudice matériel et immatériel sont définies par la police d'assurance de responsabilité décennale souscrite par le constructeur ; qu'en assimilant le coût de la manutention des racks et de la manutention process à un préjudice matériel, sans s'interroger sur la définition qu'en donnait la police d'assurance souscrite par la société Cotrex auprès de la compagnie Mutuelles du Mans assurances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de
l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances;
2°/ qu'en toute hypothèse, l'assurance obligatoire des constructeurs ne garantit que le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à laquelle l'assuré a contribué, à l'exclusion des dommages consécutifs aux désordres ; qu'en jugeant que le coût de la manutention des racks et de la manutention process était garanti par l'assurance obligatoire dès lors qu'il était indispensable à la réparation des désordres, quand il ne s'agissait que d'un préjudice indirect et annexe, consécutif aux désordres, la cour d'appel a violé les
articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances;
Mais attendu qu'ayant relevé que la réparation des dommages matériels doit comprendre l'intégralité des sommes nécessaires à la réfection des ouvrages et, dans le cas d'ouvrages habités ou exploités, doit comprendre le coût des déménagements des matériels existants lorsque ces déménagements s'imposent pour la réalisation des travaux de réfection, tel étant le cas en présence d'une réfection intégrale du dallage, la cour d'appel, devant laquelle la société MMA n'avait pas invoqué des définitions données par la police d'assurance des préjudices matériels et immatériels, a exactement retenu que les postes «manutention des racks» et «manutention process» retenus par l'expert concernent donc bien des postes annexes indispensables à la reprise matérielle des ouvrages et non des réparations de préjudices immatériels et a légalement justifié sa décision de ce chef ;
De même, si la police DO prévoit que l’assiette de prime est constituée par le coût des travaux : il n’est pas possible d’en soustraire les travaux préparatoires indispensables à la réalisation de l’ouvrage, au seul motif que lesdits travaux ne sauraient être affectés d’un désordre décennal
Cass Civ 3ème 20 novembre 2013 N° de pourvoi: 12-28102
Attendu qu'ayant relevé que l'assiette de cotisation prévue au contrat dommages ouvrage souscrit par la société SERS auprès de la société Sagena correspondait au coût total définitif de l'opération HT, honoraires des architectes, maîtres d'oeuvre et bureaux d'études techniques compris, à l'exclusion du mobilier et des équipements spéciaux et que les coûts que la société SERS désirait voir exclus de l'assiette de cotisation correspondaient à des prestations préparatoires à la construction ou de soutien, sans lesquelles l'ouvrage n'aurait pas pu être réalisé, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des chefs de conclusions que ces constatations rendaient inopérants, a retenu, à bon droit, que les demandes de la SERS ne pouvaient être accueillies