De la différence entre les limites du devoir d'informer et le dol...

Écrit par Pascal Dessuet

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Cette décision est une illustration de la difficile appréciation du dol en droit de la construction et de l’établissement d’un critère entre la faute lourde et le dol : le défaut d’information demeure une faute, tandis que le dol est établit dès lors qu’il y a manœuvre…

 

Cass Civ 3ème 12 juin 2014 N° de pourvoi: 12-24069

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 4 juin 2012), que les époux X... ont fait construire une maison d'habitation en 1980 ; qu'en 1996, à la suite d'une sécheresse, des fissures sont apparues à l'intérieur et à l'extérieur de l'immeuble ; qu'après le refus de leur assureur de prendre en charge ce sinistre en l'absence de déclaration de catastrophe naturelle, ils ont fait exécuter en 2001 des travaux de reprise en sous-oeuvre et de rebouchage des fissures en superstructure par la société Simier, assurée auprès de la société Mutuelle du Mans assurances (MMA), et ont vendu en 2002 la maison aux époux Y..., lesquels, après des travaux d'aménagement intérieur, l'ont revendue en 2004 aux époux Z... ; que des fissures étant apparues, ceux-ci, après une expertise établissant que ces désordres portaient atteinte à la destination de l'immeuble et affectaient sa solidité, ont assigné M. X... et Mme A..., son épouse divorcée (les consorts X...- Chiaroni), M. Y... et Mme C..., son épouse divorcée, (les consorts Perrin-Hermelin) et les sociétés Simier et MMA pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices ; qu'à la suite du décès de M. Z..., Mme veuve Z... est intervenue à la procédure en qualité de représentant légal de Grégoire Z... ainsi que sa fille Mme Victoria Z... (les consorts Z...) ;

 

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et huitième branches :

Attendu que les consorts X...- Chiaroni font grief à l'arrêt de dire qu'ils ont engagé leur responsabilité envers les époux Z..., de les condamner, in solidum avec les consorts Perrin-Hermelin, à les indemniser de divers préjudices et à garantir ces derniers à concurrence de la moitié de ces condamnations, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que lors de la visite de la maison par les époux Z..., les traces de rebouchage des fissures extérieures étaient apparentes d'une part, que les époux Y..., vendeurs, les leur avaient faussement présentées comme stabilisées d'autre part ; qu'il en résultait que le comportement des époux Y... avait seul été à l'origine de la croyance des époux Z... dans la stabilisation des fissures litigieuses ; qu'en reprochant aux époux X..., qui avaient initialement vendu cette maison aux époux Y..., de ne pas démontrer avoir informé ces derniers des vicissitudes rencontrées par la maison depuis l'origine, quand cette faute, à la supposer établie, n'était pas à l'origine du dommage subi par les époux Z..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que reprochant aux époux X... d'avoir omis d'informer les époux Y... des fissures intérieures endommageant la maison, il appartenait aux époux Z..., qui l'avait ultérieurement acquise des époux Y..., d'établir que ces derniers ignoraient, lors de leur propre acquisition, l'existence des dites fissures, et aux juges du fond de constater cette ignorance pour retenir la faute des époux X... ; que dès lors, en se contentant de relever, s'agissant des fissures intérieures, que soit les époux Y... avaient acheté aux époux X... en pleine connaissance des fissures intérieures apparentes, soit les fissures intérieures n'existaient plus lors de la vente entre les époux X... et les époux Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'il appartient à celui qui prétend qu'un vendeur a manqué à son obligation d'informer l'acquéreur de désordres affectant le bien objet de la vente de démontrer que ledit vendeur avait connaissance des désordres d'une part, avait sciemment dissimulé leur existence d'autre part ; qu'en reprochant aux époux X... de ne pas démontrer qu'ils avaient informé les époux Y... des vicissitudes rencontrées par la maison depuis son origine, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

4°/ qu'en reprochant aux époux X... de ne pas établir avoir informé les époux Y... des vicissitudes rencontrées par la maison depuis son origine, sans préalablement constater que les époux X... auraient eu connaissance du défaut de stabilisation des fissures, auraient volontairement fait réaliser des travaux inaptes à stabiliser la maison et auraient sciemment caché cette information aux époux Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil ;

5°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant que les époux X... avaient fait réaliser des travaux minimalistes en 2001 juste avant de vendre la maison et n'avaient jamais demandé à l'entrepreneur de reprendre en sous-œuvre les fondations d'origine, tout en retenant qu'un doute subsistait sur la consistance des travaux demandés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que seule la faute en lien avec le préjudice engage la responsabilité de son auteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'attitude-dolosive-des époux Y..., lors de la revente de 2004, était entièrement à l'origine de l'ignorance des époux Z... ; que s'intercalant entre l'éventuel et prétendu manquement de M. X... et de Mme A..., cette manœuvre dolosive rendait impossible l'établissement de tout lien de causalité entre ce dernier manquement et le préjudice finalement subi par les derniers acquéreurs ainsi, par voie de conséquence, que le préjudice subi par les époux Y... et consistant exclusivement en leur obligation d'indemniser ces derniers ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du code civil ;

 

Mais attendu qu'ayant constaté que les fissures de l'immeuble étaient apparues à cause de l'inadaptation des fondations d'origine et n'en étaient que la conséquence, relevé que les époux X... n'avaient fait procéder qu'à des travaux minimalistes avant de vendre l'immeuble aux époux Y... et retenu, par une appréciation souveraine des moyens de preuve qui lui étaient soumis, qu'ils n'établissaient pas les avoir informés des désordres ayant affecté la maison depuis sa construction, la cour d'appel a pu en déduire, sans se contredire et abstraction faite d'un motif surabondant, qu'ils avaient commis une faute à l'égard des consorts Y... dont les consorts Z... pouvaient se prévaloir ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident des consorts Z..., réunis, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté que les fissures de l'immeuble étaient apparues à cause de l'inadaptation des fondations d'origine, relevé que les travaux exécutés par la société Simier n'avaient pas contribué à créer ces désordres ni à les aggraver et retenu qu'il n'était pas contesté que les époux X... ne lui avaient pas demandé de reprendre en sous œuvre toutes les fondations de l'immeuble, la cour d'appel a pu, par ces seuls motifs et sans se contredire, en déduire que la responsabilité de la société Simier n'était pas engagée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident des consorts Perrin-Hermelin, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté que, lors de la vente de la maison aux époux Z... en 2004, une seule fissure figurait à l'intérieur qui venait d'être entièrement refait, alors que, selon l'attestation d'un électricien intervenu en 2002 à la demande des époux Y..., la maison présentait de nombreuses fissures intérieures entraînant le refus d'intervenir de certains artisans, relevé que les époux Y..., qui ne pouvaient ignorer que ces fissures n'étaient pas stabilisées, les avaient masquées peu avant la vente et retenu qu'en faisant adresser, par l'agence immobilière qu'ils avaient mandatée, une lettre affirmant aux époux Z... la stabilisation des fissures extérieures, ils les avaient trompés sur la pérennité et l'efficacité des travaux de rebouchage exécutés en 2001, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que cette lettre était postérieure à la promesse de vente, ni qu'ils étaient des particuliers non professionnels et sans connaissance en la matière, a pu en déduire que les époux Y... avaient commis un dol à l'égard des époux Z... et étaient responsables de leur préjudice ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;