Dommages intermédiaires : la mise en jeu de la RC suppose la preuve d'une faute
Écrit par Pascal DessuetLire en pdf :flash 99997Dommages intermediaires.pdf
Sur le seul terrain de la responsabilité et sans considération des conditions de précision qui s’imposent à la clause d’exclusion pour défaut d’entretien en matière d’assurance, le défaut d’entretien lorsqu’il est caractérisé, évince la faute alléguée des constructeurs.
Dans cette affaire, le fait que le principe de l’exécution de travaux d’entretien ait été votée en AG de copropriété sans que cela ne soit suivi d’effets, suffit à établir la faute de la victime caractérisée par le défaut d’entretien, venant s’ajouter à l’absence de faute prouvée indispensable pour la mise en jeu de la RC des constructeurs au titre des dommages intermédiaires.
Cass Civ 3ème 11 juin 2014 N° de pourvoi: 13-16334
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 23 janvier 2013), que la SNC La Pergola, assurée par une police multirisques de chantier auprès de la société Mutuelle du Mans assurances, a fait construire un immeuble par M. J..., architecte, assuré auprès de la société Axa France, la société Duhalde, chargée du lot gros oeuvre, la société SARE, chargée de l'étanchéité des terrasses, et la société Sapparrart chargée de la couverture des terrasses ; que la réception sans réserves est intervenue le 24 septembre 1996 ; qu'en mars 2005, le syndicat des copropriétaires et plusieurs copropriétaires se sont plaints de désordres affectant les parties communes et les parties privatives ; qu'ils ont assigné en responsabilité et en indemnisation le vendeur, les constructeurs et les assureurs ;
Sur le moyen unique :
Attendu que le syndicat des copropriétaires de la résidence La Pergola fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes relatives à la réparation des dommages affectant les parties communes de l'immeuble, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il faisait valoir que les sous faces des plafonds des terrasses sont cloquées, l'expert ayant relevé « en l'absence de précision sur la mise en oeuvre du carrelage, et en l'absence des plans d'exécution et du descriptif établi par le maître d'oeuvre, la cause du désordre nous semble provenir d'un défaut de conception des terrasses, le syndicat invitant la cour d'appel à constater que dès lors qu'il s'agit d'un dommage intermédiaire la responsabilité contractuelle de l'architecte est engagée par application du droit commun ; qu'en relevant que l'ensemble de l'ouvrage a été réceptionné le 27 septembre 1996, qu'il convient donc d'apprécier si ces désordres apparus après la réception entrent ou non dans le champ d'application de la garantie décennale, qu'il résulte du rapport d'expertise que ces terrasses sont constituées d'une dalle en béton dont la sous face est peinte et la partie supérieure carrelée, que l'expert a constaté que la peinture de ces sous faces présente des cloquages situés en limite des dalles béton, puis retenu que ces désordres situés à l'extérieur du bâtiment n'affectent pas l'étanchéité des parties closes et sont de nature purement esthétique, qu'il importe peu que l'ensemble des documents relatifs aux plans d'exécution du carrelage n'ait pas été remis, dans la mesure où il est établi et non sérieusement contesté que ces malfaçons ont un caractère purement esthétique, que le syndicat des copropriétaires ne rapporte pas plus la preuve que ce désordre soit généralisé à l'ensemble des terrasses de l'immeuble, qu'ils ne sont donc pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, la cour d'appel qui se prononce par des motifs inopérants dès lors qu'il s'agit de dommages intermédiaires a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'il faisait valoir que l'expert a relevé que le désordre affectant les plafonds en lambris des terrasses ouest et nord de second étage qui sont écaillés trouve son origine soit dans un défaut d'étanchéité de la couverture, soit dans un défaut d'étanchéité de la terrasse, que s'agissant d'un dommage intermédiaire la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Sapparart est engagée ; qu'ayant relevé que l'expert a imputé ce désordre à un défaut d'étanchéité de la couverture, ou bien de la terrasse, qu'il a donc seulement émis des hypothèses sur l'origine de ces malfaçons, mais n'a pas été en mesure de les vérifier, il importe peu que l'expert n'ait peut-être pas effectué toutes les investigations nécessaires pour vérifier les hypothèses qu'il a avancées, dès lors qu'il a constaté sans être sérieusement contredit que ces malfaçons présentent un caractère purement esthétique, et qu'il n'a d'ailleurs pas été constaté de pénétrations d'eau à l'intérieur de l'immeuble pour en déduire que là encore les désordres constatés ne rentrent pas dans le champ d'application de la garantie décennale, la cour d'appel qui se prononce par des motifs inopérants dès lors qu'il s'agit de dommages intermédiaires a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ qu'il faisait valoir la responsabilité contractuelle de droit commun de l'architecte dès lors qu'il s'agit de dommages intermédiaires, que l'expert judicaire a relevé « l'examen visuel des coulures fait apparaître qu'elles sont constituées de micro-organismes de types algues ou mousses dont le développement est favorisé par un milieu humide », que ces salissures ont un caractère évolutif, qu'elles ont « pris une ampleur suffisante pour que la copropriété fasse une déclaration de sinistre en début d'année 2005, soit dans la moitié de la neuvième année » ; que le syndicat ajoutait que bien que ces dommages esthétiques ne soient pas de nature décennale, ils engagent toutefois la responsabilité contractuelle du vendeur en l'état futur d'achèvement, lequel est tenu de livrer un ouvrage exempt de vices et celle de l'architecte ; qu'en relevant que l'expert a conclu à l'absence de caractère décennal de ce désordre qui revêt seulement un caractère esthétique plus ou moins important suivant l'orientation des façades, qu'il résulte du rapport d'expertise que l'immeuble n'a jamais été ravalé, alors qu'il résulte d'un procès-verbal d'assemblée générale des copropriétaires du 24 février 2006 que le ravalement de cet immeuble avait été voté en 1998 mais qu'il n'a jamais été réalisé, pour en déduire que les dispositions relatives à la garantie décennale ne sont pas applicables, pas plus que la théorie dite des dommages intermédiaires, et que dans la mesure où ces désordres n'ont pas rendu l'immeuble impropre à sa destination pendant le délai décennal, les demandes présentées à ce titre par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de M. J... ne pourront qu'être rejetées, qu'en ce qui concerne la responsabilité de la SNC La Pergola prise en sa qualité de vendeur, elle ne peut être retenue à ce titre, dans la mesure où elle avait certes l'obligation de livrer un ouvrage exempt de vices, mais elle n'y a pas manqué, puisque les procès-verbaux de réception ne comportent pas de réserves, et que les coulures n'ont fait l'objet d'une déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage qu'au bout de neuf ans, sans préciser en quoi il ne s'agissait pas de dommages intermédiaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ qu'il faisait valoir, que l'expert judiciaire a relevé « l'examen visuel des coulures fait apparaître qu'elles sont constituées de microorganismes de types algues ou mousses dont le développement est favorisé par un milieu humide », que ces salissures ont un caractère évolutif, qu'elles ont « pris une ampleur suffisante pour que la copropriété fasse une déclaration de sinistre en début d'année 2005, soit dans la moitié de la neuvième année » ; que le syndicat des copropriétaires ajoutait que bien que ces dommages esthétiques ne soient pas de nature décennale, ils engagent toutefois la responsabilité contractuelle du vendeur en l'état futur d'achèvement, lequel non seulement est tenu de livrer un ouvrage exempt de vices, mais est aussi tenu au regard des informations données aux futurs acquéreurs sur la plaquette publicitaire et le descriptif des prestations dans lesquels il a indiqué que les façades devaient « être soigneusement traitées avec des enduits garantissant la durabilité » ; qu'en relevant que l'expert a conclu à l'absence de caractère décennal de ce désordre qui revêt seulement un caractère esthétique plus ou moins important suivant l'orientation des façades, qu'il résulte du rapport d'expertise que l'immeuble n'a jamais été ravalé, alors qu'il résulte d'un procès-verbal d'assemblée générale des copropriétaires du 24 février 2006 que le ravalement de cet immeuble avait été voté en 1998 mais qu'il n'a jamais été réalisé, pour en déduire que les dispositions relatives à la garantie décennale ne sont pas applicables, pas plus que la théorie dite des dommages intermédiaires, qu'en ce qui concerne la responsabilité de la SNC La Pergola prise en sa qualité de vendeur, elle ne peut être retenue à ce titre, dans la mesure où elle avait certes l'obligation de livrer un ouvrage exempt de vices, mais elle n'y a pas manqué, puisque les procès-verbaux de réception ne comportent pas de réserves, et que les coulures n'ont fait l'objet d'une déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages ouvrage qu'au bout de neuf ans, sans rechercher si le vendeur n'était pas tenu au regard des informations données aux futurs acquéreurs sur la plaquette publicitaire et le descriptif des prestations dans lesquels il a indiqué que les façades devaient « être soigneusement traitées avec des enduits garantissant la durabilité », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'abstraction faite des motifs de l'arrêt qui sont justement critiqués mais surabondants, la cour d'appel a légalement justifié sa décision par l'adoption des motifs des premiers juges retenant, pour les sous-faces des terrasses, qu'en présence des termes dubitatifs du rapport et de ses contradictions sur l'imputabilité du désordre, il n'existait pas de preuve d'un défaut dans la conception des ouvrages et, pour les plafonds en lambris, que le syndicat des copropriétaires n'apportait pas la preuve de la faute de la société Sapparrart en présence d'un rapport d'expertise imputant, soit à l'entreprise de couverture, soit à l'entreprise d'étanchéité l'origine des dommages ;
Et attendu qu'ayant retenu que le syndicat des copropriétaires, tenu à une obligation de ravalement, n'avait jamais procédé à l'entretien des enduits affectés des salissures dénoncées neuf ans et six mois après la réception alors que les travaux avaient été votés par l'assemblée générale et que la SNC La Pergola avait rempli son obligation de délivrance, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que l'architecte et le vendeur n'avaient pas commis de faute en relation avec les dommages ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi