RC du notaire et DO : RC engagée pour la perte de chance de négocier une baisse de prix

Écrit par Pascal Dessuet

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Le manquement du notaire à son obligation de constater l’existence ou non d’une police DO peut parfois trouver son origine dans une négligence dans le descriptif du bien vendu notamment en ayant omis de constater l’existence de travaux réalisées depuis moins de 10 ans.

En ce cas, sa responsabilité est engagée non pas seulement au titre de la perte de chance pour l’acquéreur au titre d’un sinistre déclaré postérieurement après la vente, mais aussi au titre de la perte de chance d’avoir pu négocier par une moins-value , l’absence de police DO

 

Cass Civ 3ème 12 juin 2014 N° de pourvoi: 12-22037

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, le moyen unique du pourvoi incident de M. C... et le moyen unique du pourvoi incident de M. A..., réunis, ci-après annexé :

 

Attendu qu'ayant retenu que, d'une part, le vendeur M. X... et l'entrepreneur M. Y... qui avait réalisé les travaux étaient tenus in solidum à la garantie décennale, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, pour un montant évalué à la somme de 139 500 euros et que, d'autre part, M. A..., agent immobilier, et M. C..., notaire rédacteur de l'acte de vente, avaient manqué à leur devoir de renseignement et de conseil en se contentant des déclarations du vendeur qui affirmait qu'il n'avait pas réalisé depuis dix ans de travaux entrant dans le champ de la garantie décennale et que ces manquements avaient causé aux époux Z... la perte d'une chance de ne pas conclure la vente ou de la conclure à d'autres conditions, la cour d'appel, qui a indemnisé des préjudices ayant des fondements juridiques distincts, n'a pas prononcé une double indemnisation ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé

 

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a condamné Monsieur Y..., in solidum avec Monsieur X..., à payer à Monsieur et Madame Z... une somme principale de 139. 500 euros ensemble a rejeté la demande visant à un partage entre Monsieur X... et Monsieur Y... ;

AUX MOTIFS QUE « le montant des travaux de remise en état de l'immeuble a été chiffré à 130. 000 euros par l'expert judiciaire qui n'a pas ventilé poste par poste ses estimations ; que s'y ajoute le coût de l'assurance dommage-ouvrage (9. 500 euros) ; que le droit à réparation intégrale des époux Z... impose de prendre en considération l'ensemble des travaux préconisés par M. B... soit, pour l'essentiel :- la découverture complète de la maison " ancienne et extension " ;- l'enlèvement de la charpente de l'extension et celle rapportée sur la partie ancienne ;- la réfection totale de l'extension y compris la charpente et la convention du gros oeuvre en intégralité ;- la reconstruction de l'ouvrage tous corps d'état, sous le contrôle d'un maître d'oeuvre ; qu'en l'absence d'écrit permettant de connaître précisément le domaine d'intervention de M. Y..., il convient de considérer que l'importance des défauts d'exécution commis par M. Y... commande, comme l'a justement apprécié l'expert judiciaire, la réfection totale de la charpente et de la couverture de l'immeuble pris dans sa globalité ; que c'est pourquoi il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise quatre ans après le dépôt du rapport de M. B... ; que le jugement ayant condamné in solidum M. X... et M. Y... à payer une somme de 139. 500 euros aux époux Z... au titre des travaux de remise en état de l'immeuble sera donc confirmé ; que s'agissant du préjudice de jouissance subi par les époux Z... qui avaient acquis l'immeuble pour en faire une résidence secondaire, la Cour considère :- qu'en fixant à 100 euros par mois à compter de septembre 2005 l'indemnité réparatrice, le Tribunal en a fait une juste appréciation ; qu'en fixant au même montant le trouble subi par eux pendant la durée des travaux de remise en état (5 mois selon l'expert judiciaire), il en a également pris la juste mesure » ;

ET AUX MOTIFS ENCORE QUE « c'est aussi à juste titre que le premier juge a considéré que Me C..., notaire rédacteur de l'acte de vente, avait manqué à son devoir de renseignement et de conseil en se contentant des déclarations du vendeur qui affirmait qu'aucun travaux entrant dans le champ de la garantie décennale n'avait été réalisé depuis 10 ans ; qu'en effet, même s'il n'entrait pas dans la mission du notaire de visiter les lieux avant la signature de l'acte authentique, il résultait suffisamment des éléments portés à sa connaissance que les affirmations de M. X... étaient pour le moins douteuses ; qu'il est constant que l'immeuble litigieux avait été acquis par M. X... en 1998 pour être revendu en 2004 à un prix beaucoup plus élevé ; que surtout le descriptif du bien dans l'acte authentique du 4 décembre 1998 faisait état d'une maison d'habitation comprenant une salle d'eau, deux chambres, un grenier perdu mais aménageable, une cave à la suite, réserve à bois, cour, jardin, verger sur lequel petit bâtiment, pré, tandis que le même bien était décrit dans l'acte notarié du 30 octobre 2004 comme comprenant au rez de chaussée : une cuisine équipée avec cheminée, séjour, arrière-cuisine avec chaudière, deux chambres, salle de bains avec baignoire, douche et WC, grenier, ancien four à pain, jardin, verger sur lequel petit bâtiment, pré ; que ce qui induisait la réalisation de travaux importants de rénovation dans l'immeuble dans l'intervalle et aurait dû conduire le notaire à approfondir son questionnement quant à l'existence à l'existence d'ouvrages soumis à la garantie décennale ; que ce qui lui aurait permis de ne pas se borner à acter, sans commentaire, des déclarations (du vendeur) dont la véracité était mise en cause par des éléments objectifs de nature à éveiller les soupçons d'un notaire normalement attentif ; que ce qui aurait attiré particulièrement l'attention des acquéreurs sur ce point important ; que ces manquements de l'agent immobilier et du notaire ont généré pour les époux la perte d'une chance, non d'être garantis par une assurance (fût-elle obligatoire), mais de ne pas conclure la vente ou de la conclure à d'autres conditions (moins onéreuses) en connaissance de l'absence d'assurance des désordres pouvant affecter les travaux réalisés dans l'immeuble ; que cette perte de chance, sous-estimée par le tribunal, doit être indemnisée à hauteur de 60. 000 ¿ ; que cette indemnité est distincte de la somme obtenue par les époux Z... sur le fondement de l'article 1792 du code civil et l'existence d'aléas dans le recouvrement des sommes dues par M. X... et M. Y... ne justifie pas qu'elle soit égale au coût des travaux de réparation ; que M. A... et Me C... seront tenus in solidum au paiement de cette indemnité de 60. 000 euros» ;

ALORS QUE les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en l'espèce, et à supposer bien fondées les actions exercées par Monsieur et Madame Z..., ceux-ci pouvaient tout au plus prétendre pouvoir disposer d'une construction répondant à sa destination, en contrepartie de la somme de 137. 200 € qu'ils avaient accepté d'acquitter pour en devenir propriétaires ; qu'en leur octroyant, d'une part, une somme de 139. 500 € leur permettant d'être propriétaires d'une maison répondant pleinement à leurs attentes et, d'autre part, une somme de 60. 000 euros correspondant à la perte de chance qu'ils ont éprouvée de ne pas conclure à un moindre prix, eu égard aux désordres affectant la maison, Monsieur et Madame Z... ont obtenu des réparations excédant le préjudice subi ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué doit être censuré pour violation de l'article 1792 du Code civil, ensemble du principe suivant lequel les réparations allouées ne peuvent excéder le préjudice subi. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour M. A....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. A..., in solidum avec M. C..., à payer aux époux Z... la somme de 60 000 euros pour perte de chance ;

AUX MOTIFS que ces manquements de l'agent immobilier et du notaire ont généré pour les époux Z... la perte d'une chance, non d'être garantis par une assurance (fût-elle obligatoire), mais de ne pas conclure la vente ou de la conclure à d'autres conditions (moins onéreuses) en connaissance de l'absence d'assurance des désordres pouvant affecter les travaux réalisés dans l'immeuble ; que cette perte de chance, sous-estimée par le tribunal, doit être indemnisée à hauteur de 60 000 euros;

ALORS QUE le propre de la responsabilité est de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en condamnant M. A..., agent immobilier, à payer aux époux Z... la somme de 60 000 euros pour perte de chance de conclure à moindre prix eu égard aux désordres potentiels affectant la maison bien qu'ayant été indemnisés du coût des travaux de reprise de ces désordres, évalués à la somme de 139 500 euros les acquéreurs avaient reçu l'équivalent de la prestation convenue, la cour d'appel, qui leur a accordé une double indemnisation, a violé l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. C....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur C..., in solidum avec Monsieur A..., à payer aux époux Z... la somme de 60. 000 euros pour perte de chance ;

AUX MOTIFS QUE les manquements de l'agent immobilier et du notaire ont généré pour les époux la perte d'une chance, non d'être garantis par une assurance, fût-elle obligatoire, mais de ne pas conclure la vente ou de la conclure à d'autres conditions, moins onéreuses, en connaissance de l'absence d'assurance des désordres pouvant affecter les travaux réalisés dans l'immeuble ; que cette perte de chance, sous-estimée par le Tribunal, doit être indemnisée à hauteur de 60. 000 euros ;

ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en condamnant le notaire à payer aux époux Z... la somme de 60. 000 euros pour perte de chance de conclure à moindre prix eu égard aux désordres potentiels affectant la maison bien qu'ayant été indemnisés du coût des travaux de reprise de ces désordres, évalués à la somme de 139. 500 euros, les acquéreurs avaient reçu l'équivalent de la prestation convenue, la Cour d'appel, qui leur a accordé une double indemnisation, a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice

V dans le même sens :

Cass Civ 1ère 20 mars 2013 N° de pourvoi: 12-14711 12-14712 Obs P Dessuet RDI 2013 p 339