Jusqu'où s’étend l'obligation de déclarer la caducité d'une déclaration de risque?
Écrit par Pascal DessuetLire en pdf : flash 9999996declaration risque caducite.pdf
L’étendue de l’obligation de l’assuré en termes d’aggravation de risque est strictement limitée au périmètre des réponses apportées à des questions posées et ne s’étend pas à toutes les circonstances intrinsèquement aggravantes.
Y a-t-il place pour des atténuations à cette obligation pesant sur la tête de l’assuré, tenant au caractère aggravant ou non de la caducité en question, voire à la rédaction même de la police, alors qu’il s’agit d’une obligation légale ?
La chambre criminelle semble répondre de manière positive. Reste à définir la portée de ces atténuations…
Cass Crim 9 septembre 2014 N° de pourvoi 13-85432
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 113-2 et L. 113-8 du code des assurances, 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;
"En ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité du contrat d'assurance souscrit par M. X... auprès de la société Groupama Loire Bretagne ;
"aux motifs qu'en vertu des dispositions de l'article L. 113-2 du code assurances, «L'assuré est obligé .../ 2° De répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ; / 3 ° De déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus. /
L'assuré doit, par lettre recommandée, déclarer ces circonstances à l'assureur dans un délai de quinze jours à partir du moment où il en a eu connaissance» ; que l'article L. 113-8 du même code prévoit la sanction du manquement à cette obligation : « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre » ; que M. X... a été contrôlé le 5 avril 2009 avec 1,06 g/1 d'alcool dans le sang, ce qui a entraîné une suspension administrative de son permis de conduire pendant un mois ; que cette infraction a fait l'objet d'une composition pénale devant le tribunal correctionnel de Morlaix aux termes de laquelle il a été ordonné à M. X... d'effectuer un stage de citoyenneté ; qu'ainsi, en cours de contrat, M. X... n'a pas déclaré à son assureur la conduite sous l'empire d'un état alcoolique commise le 5 avril 2009 et la suspension administrative de son permis de conduire pendant un mois qui s'en est suivi, deux événements qui constituent incontestablement une aggravation du risque assuré ; que toutefois, les conditions générales du contrat souscrit par M. X... n'impliquent pas suffisamment, pour un assuré moyennement avisé, qu'une conduite en état d'ivresse en l'absence d'accident, aggrave le risque assuré ou en crée un nouveau ; qu'en effet et comme l'a justement rappelé le premier juge, les dispositions des articles 2.2 et 2.4 des conditions générales du contrat souscrit font obligation à l'assuré d'informer l'assureur de « tout changement affectant au cours du contrat un des éléments figurant dans les conditions personnelles » sans plus de précision ; qu'il n'apparaît pas au vu de ces dispositions, évident, pour un assuré moyennement avisé, qu'il soit nécessaire de déclarer une infraction sans sinistre matériel ou corporel et sans condamnation par un tribunal ; que dès lors, l'absence de déclaration par M. X... de l'infraction commise le 5 avril 2009, ne revêt pas un caractère intentionnel et le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du contrat d'assurance et en ses autres dispositions civiles non contestées ;
"1°) alors qu'en se bornant à relever que les dispositions des articles 2.2 et 2.4 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par M. X... faisaient obligation à l'assuré, « sans plus de précision », d'informer l'assureur de « tout changement affectant au cours du contrat un des éléments figurant dans les conditions personnelles », pour en déduire qu'au vu de cette stipulation, n'apparaissait pas évidente pour un assuré moyennement avisé l'obligation de déclarer une infraction du type de celle commise par M. X... le 5 avril 2009 et qui avait donné lieu à une décision de suspension d'un mois du permis de conduire (arrêt, p. 5, § 5 et 6), sans se prononcer sur le fait que l'article 2.2 des conditions générales1 précisait que le changement susvisé devait constituer une aggravation du risque assuré, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors qu'en ne recherchant pas si, comme le soulignait la société Groupama Loire Bretagne, le fait que lors de la conclusion du contrat d'assurance litigieux, M. X... ait signalé un sinistre responsable antérieur ne démontrait pas qu'il avait conscience de son obligation de déclarer, en cours de contrat, une suspension de permis de conduire pour conduite en état alcoolique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 23 décembre 2007, M. X... a souscrit auprès de la société Groupama Loire-Bretagne une police d'assurance pour son véhicule ; qu'à la suite d'un accident survenu le 8 avril 2010 et de poursuites exercées contre l'assuré, reconnu coupable de blessures involontaires par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique, cette société a dénié sa garantie en invoquant la nullité du contrat en l'absence de déclaration par l'intéressé d'une conduite en état alcoolique, constatée le 5 avril 2009 ; que le tribunal, écartant la mauvaise foi de M. X..., a rejeté cette exception ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que si l'infraction commise le 5 avril 2009 a aggravé le risque assuré, les conditions générales du contrat souscrit par l'intéressé, compte-tenu de leur imprécision, n'impliquent pas, pour un assuré moyennement avisé, qu'une conduite en état d'ivresse, en l'absence d'accident, aggrave le risque assuré ou en crée un nouveau et qu'il soit nécessaire de déclarer une infraction sans sinistre matériel ou corporel et sans condamnation par un tribunal ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la bonne foi de l'assuré, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Cass Crim 9 septembre 2014 N° de pourvoi: 13-84198
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 112-4, L. 113-2, L. 113-8, L. 113-9, R. 421-5 du code des assurances, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité du contrat d'assurance conclu entre la MAAF et M. Alain X... pour le véhicule en cause dans l'accident litigieux ;
"aux motifs que les conditions générales du contrat en cause, stipulant en leur page 36 qu'en cours de contrat l'assuré doit déclarer à l'assureur quant au conducteur toute condamnation pour conduite en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique ainsi que toute mesure d'annulation ou de suspension du permis de conduire prononcées à son encontre, ont régulièrement été portées à la connaissance de M. X... puisque ce dernier a signé le 5 novembre 2007 une déclaration de risque automobile avec la MAAF par laquelle il reconnaît avoir reçu un exemplaire de contrat Quatro référencé Q 072003, à savoir les conditions générales précitées ; que selon les termes du dernier alinéa de l'article L. 112-4 du code des assurances les clauses de police édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; que s'il s'avère des conditions générales du contrat d'assurance que l'assuré devait informer son assureur de toute condamnation pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou en état d'ivresse ou de toute suspension de son permis de conduire et qu'il était avisé qu'une telle omission entraînait la nullité de la convention, il convient cependant de constater que cette prescription est mentionnée uniquement en page 36 dudit document, lequel comporte 47 pages, avec une typographie identique à celle utilisée pour les autres clauses du contrat d'une manière telle à ce que l'attention de l'assuré soit spécialement et nécessairement attirée par cette obligation de dénonciation ; que la mention portée sur la déclaration de risque automobile datée du 5 novembre 2007, qualifiée par la MAAF de conditions particulières, selon laquelle « Toute omission ou déclaration inexacte ou mensongère m'expose aux sanctions prévues aux articles L. 113-8 et L. 113-9 du code des Assurances » ne peut, compte tenu de sa généralité, être considérée comme une disposition ayant attiré l'attention de l'assuré sur son obligation de déclaration susvisée ; que par conséquent, en l'absence de mise en exergue de manière suffisante de l'obligation litigieuse dans les conditions générales, il n'apparaît pas que l'omission reprochée à Alain X... a été intentionnelle, comme faite de mauvaise foi » ;
"1) alors que, si aux termes de l'article L. 112-4 du code des assurances, les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents, cette exigence n'est, sauf dispositions particulières, pas applicable aux nullités, déchéances ou exclusions prévues par la loi ; qu'aux termes de l'article L. 113-8 du code des assurances, « indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre » ; qu'il résulte de la combinaison de ces deux textes que la dissimulation intentionnelle d'une circonstance nouvelle aggravant le risque est une nullité prévue par la loi au sens de l'article L. 112-4 du code des assurances soustraite à l'obligation résultant ce dernier texte de figurer en caractères très apparents ; que pour rejeter l'exception de nullité, la cour d'appel a énoncé que « s'il s'avère des conditions générales du contrat d'assurance que l'assuré devait informer son assureur de toute condamnation pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou en état d'ivresse ou de toute suspension de son permis de conduire et qu'il était avisé qu'une telle omission entraînait la nullité de la convention, il convient cependant de constater que cette prescription est mentionnée uniquement en page 36 dudit document, lequel comporte 47 pages, avec une typographie identique à celle utilisée pour les autres clauses du contrat d'une manière telle à ce que l'attention de l'assuré soit spécialement et nécessairement attirée par cette obligation de dénonciation » ; qu'en soumettant ainsi à l'obligation de faire figurer cette clause en caractères très apparents quand l'obligation qu'elle édictait était prévue par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"2) alors que dès lors que les clauses des contrats d'assurance rappelant des obligations à la charge de l'assuré prévues par la loi sont soustraites à l'obligation de figurer en caractères très apparents, les juges du fond ne peuvent déduire la bonne foi de l'assuré de ce qu'une obligation légale ne figurait pas en caractères très apparents dans la police; que pour rejeter l'exception de nullité, la cour d'appel a énoncé qu'« en l'absence de mise en exergue de manière suffisante de l'obligation litigieuse dans les conditions générales, il n'apparaît pas que l'omission reprochée à M. X... a été intentionnelle, comme faite de mauvaise foi » ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants, impropres à caractériser la bonne foi de l'assuré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu que, par un jugement désormais définitif sur ce point, M. X... a été déclaré coupable d'avoir, étant conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, causé à M. Emery Y... des blessures involontaires aggravées ayant entraîné une incapacité de plus de trois mois ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu d'annuler le contrat d'assurance automobile souscrit par M. X... auprès de la société MAAF Assurances, l'arrêt énonce que les conditions générales de ce contrat, régulièrement portées à sa connaissance, stipulent que l'assuré doit informer son assureur de toute condamnation pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique et qu'il est avisé qu'une telle omission entraîne la nullité de la convention, mais que cette prescription est mentionnée uniquement en page 36 dudit document, lequel comporte 47 pages, avec une typographie identique à celle utilisée pour les autres clauses du contrat, ne permettant pas ainsi de faire de différence entre les nombreux articles du contrat d'une manière telle que l'attention de l'assuré soit spécialement et nécessairement attirée par cette obligation de dénonciation ; d'où les juges concluent que l'omission du prévenu de déclarer à l'assureur la condamnation pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique survenue postérieurement à la conclusion du contrat n'est pas intentionnelle ;
Attendu que, par ces seuls motifs, procédant de son appréciation souveraine de la mauvaise foi de l'assuré, et abstraction faite d'une référence erronée, mais surabondante, à l'article L. 112-4 du code des assurances, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli