Déclaration de risque : approuver une proposition n'est pas répondre à une question

Écrit par Pascal Dessuet
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Pas de déclaration de risque sans réponse à une question, peu importe la clarté de la stipulation approuvée par l’assuré.

 

Cass Civ 2ème 11 septembre 2014 N° de pourvoi: 13-22429

 

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 113-2 2°, L. 112-3, alinéa 4, et L. 113-8 du code des assurances ;

 

Attendu, selon le premier de ces textes, que l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge ; qu'il résulte des deux autres que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, le 2 octobre 2005, M. et Mme X... ont souscrit un emprunt auprès de la société Financo et que Joël X... a adhéré à l'assurance de groupe souscrite par cette société auprès de la société Suravenir (l'assureur) couvrant les risques incapacité de travail et décès ; que Joël X..., victime d'un accident de la circulation, est décédé le 22 janvier 2008 ; que l'assureur ayant refusé sa garantie, Mme X... l'a assigné en exécution du contrat ;

Attendu que, pour prononcer la nullité du contrat d'assurance, après avoir relevé que le bulletin d'adhésion figurant au bas de l'offre de prêt comportait plusieurs propositions soumises à l'approbation de l'adhérent et, en particulier, celles selon lesquelles l'intéressé déclarait ne pas suivre un traitement médical régulier et ne pas être sous surveillance médicale, l'arrêt constate qu' en apposant sa signature au bas du bulletin d'adhésion, sans formuler la moindre restriction, Joël X... a entériné ces deux propositions ; que leur formulation était établie en termes simples, clairs et parfaitement compréhensibles pour tout un chacun ; que la déclaration qui résulte de leur approbation est dénuée de toute ambiguïté et n'a pu être le fruit d'aucune confusion dans l'esprit de l'adhérent, qui en a nécessairement compris le sens ; que Joël X... a ainsi entendu déclarer qu'il ne se trouvait ni sous surveillance médicale ni sous l'effet d'un traitement médical régulier ; qu'il est établi qu'au moment de son adhésion, Joël X... suivait, de manière régulière et depuis de nombreuses années, un traitement médical, lequel l'amenait à consulter, non moins régulièrement, son médecin traitant pour le renouvellement de ses médicaments et la surveillance de ses constantes biologiques, dont l'expert note qu'elles sont mentionnées comme étant parfaites depuis l'opération ; qu'en déclarant ne pas suivre un traitement médical régulier et ne pas être sous surveillance médicale, Joël X... a fait une déclaration mensongère, dont le caractère intentionnel est caractérisé par la volonté de dissimuler l'existence du traitement et de la surveillance dont il faisait alors l'objet ; que la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré a modifié la perception du risque par l'assureur ;

 

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE

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Cet arrêt constitue une nouvelle pierre à la construction jurisprudentielle sur la notion de « déclaration de risque » dans un contrat d’assurance

S’il est un postulat sur lequel chacun s’accorde en principe, c’est qu’hormis l’hypothèse des déclarations spontanées faites à l’assureur par l’assuré ou son mandataire en vue de conclure le contrat d’assurance, la déclaration de sinistre ne peut s’entendre que d’une réponse à une question posée par l’assureur à l’assuré.

Un débat s’est ouvert sur le terrain probatoire quant à l’existence et la consistance de la question posée.

Il a en principe été tranché par la Chambre Mixte du 07 février 2014 dans un sens qui a pu être analysé comme très défavorable aux assureurs, puisque très rigoureux sur les preuves admissibles pour établir la réalité de la question posée.

Il l’est sans doute au regard des pratiques du passé de la part d’assureurs oublieux du fait qu’en contrat d’assurance c’est d’abord et avant tout du droit et qu’une bonne partie des dispositions légales en la matières sont d’ordre public et ne souffrent aucun aménagement contractuel, fut-il signé de la main même de l’assuré.

Il ne l’est pas pour l’avenir, dès lors que lesdits assureurs adaptent leurs pratiques contractuelles à la réalité des textes et se placent en situation d’établir que chacune des déclarations de risque présentées comme telles dans la police procède d’une réponse apportée à une question dont il peut établir la preuve.

Dans cet arrêt du 11 septembre d’aucuns souligneront sans doute la caractère kafkaïen de la solution retenue, en faisant observer qu’il eût suffit à l’assureur d’ajouter un point d’interrogation à la fin de chacune des propositions et d’ouvrir un choix binaire à l’assuré « Oui » ou « Non » pour qu’on puisse considérer qu’on était alors en présence d’une déclaration de risque, alors même que l’assuré avait apposé sa signature non pas seulement sur la police dans sa globalité, mais au bas des deux formules expressément approuvées, dont la clarté semblait en effet indiscutable.

Sans doute, mais d’une part, foi est dû à la lettre du texte, surtout lorsque ledit texte (Art L. 113-2 2 C Ass) est relativement récent et ne souffre aucune ambiguïté : la déclaration de risque ne peut être qu’une réponse donnée à une question, et d’autre part, même dans cette hypothèse, la question de la concomitance de la question avec la formation du contrat risquerait de poser encore un problème, compte tenu de la formulation de l’Arrêt de la chambre mixte précité et du visa de l’article L 112-3 C Ass

De toute évidence, cette dernière décision devrait constituer un ultime coup de semonce salutaire pour l’ensemble du marché de l’assurance et tout particulièrement dans le domaine de l’assurance construction qui est encore à mille lieues du respect des principes précédemment énoncées, afin qu’il revoit ses pratiques contractuelles.