Responsabilité des constructeurs en matière de performance énergétique (suite)
Écrit par Pascal DessuetL’Assemblée Nationale vote en seconde lecture un texte conduisant au quasi anéantissement des possibilités de mise en jeu de la RC décennale des constructeurs à raison de désordres en matière de performance énergétique :
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Article 8 bis A
Après l’article L. 111-13 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 111-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-13-1. – En matière de performance énergétique, l’impropriété à la destination, mentionnée à l’article L. 111-13, ne peut être retenue qu’en cas de dommages résultant d’un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l’ouvrage, de l’un de ses éléments constitutifs ou de l’un de ses éléments d’équipement conduisant, toute condition d’usage et d’entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant l’utilisation de l’ouvrage qu’à un coût exorbitant. »
Désormais, sauf à invoquer la mise en jeu de la solidité d’un élément d’équipement indissociable de l’ouvrage, telle la dégradation d’une isolation thermique par exemple, la mise en jeu de la RC décennale et donc des polices DO et RCD est totalement verrouillée, pour l’ensemble des désordres liées à la performance énergétique, y compris en cas dégradation ou de disparition d’un des paramètres ayant servi de base au calcul de la performance, puisqu’aussi bien la destination de l’ouvrage qui constitue la seconde possibilité d’établir la RC décennale lorsqu’elle est compromise, ne peut être considérée comme affectée qu’après l’administration d’une triple preuve positive :
- « Une surconsommation énergétique » : De quoi (de l’immeuble ou du local ? ) par rapport à quoi ? (On cherchera en vain le référentiel, puisque l’actuel -50 Kw/h/m2/an- n’est pas un référentiel de mesure in situ mais de simple calcul sur plan…)
- « ne permettant l’utilisation de l’ouvrage qu’à un coût exorbitant. » : Malgré ce qui a pu être allégué lors des échanges à l’Assemblée nationale, on cherchera en vain une définition précise de ce que peut être « un coût exorbitant » On notera que l’ajout du « ne… que », vient encore verrouiller davantage, car on pourrait imaginer une surconsommation qui compte tenu de la baisse des cours du pétrole par exemple, n’entrainerait pas temporairement un coût exorbitant d’exploitation…
- « toute condition d’usage et d’entretien prise en compte et jugée appropriée » : Le demandeur devra être en mesure de mettre le juge en l’état de juger de manière positive, que « l’utilisation et l’entretien ont été appropriés »… « Approprié » par rapport à quoi ? Nul ne le sait….
La conséquence de tout cela ? Elle est triple :
- Un formidable encouragement à procéder à des déclarations de sinistre DO ou à lancer des actions contentieuses dès lors qu’une « surconsommation » aura été décelée, mais la plupart du temps vouées à l’échec, compte tenu des critères posés, dont le caractère particulièrement flou, contribuera par contre à développer l’insécurité juridique. Entre temps c’est beaucoup d’argent et d’énergie qu’il faudra consacrer pour gérer ces procédures
- Faute de pouvoir mobiliser la RC décennale, seule la RC de droit commun pourra désormais être encourue à ce titre, pendant 10 ans à compter de la réception, au titre des désordres intermédiaires, à condition de démontrer le faute des constructeurs, voire du promoteur pour avoir livré un bien qui se révèle au cours des 10 ans suivant la réception ne plus satisfaire aux qualités intrinsèques imposées par la règlementation thermique, ce qui devrait pouvoir être facilement démontré dans un certain nombre de cas.
- La prise en charge par les assurances supposera que la garantie de la RC au titre des dommages intermédiaires figurant dans certaines polices RC promoteur ou RC travaux (Mais pas dans toutes loin s’en faut) ne comporte pas de restrictions spécifiques en matière de performance énergétique.
Pour ce qui est du consommateur, il ne trouvera plus de solution au travers de la mise en jeu de sa police DO mais en l’état du marché actuel, uniquement dans la recherche des responsabilités des différents acteurs.