Police DO obligation d'affecter les fonds à la réparation à peine de restitution

Écrit par Pascal Dessuet

Depuis plusieurs années maintenant, en matière d’assurance construction, la Cour de cassation a développé en dehors de toute référence à un texte précis, une jurisprudence dérogatoire au principe indemnitaire de l’article L 121-1 C ass, conduisant à la libre disposition de l’indemnité d’assurance dès lors qu’elle a pour effet de réparer une perte.

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Cet Arrêt du 04 mai n’en est qu’une nouvelle réitération avec le mérite de rappeler que quand bien même l’indemnité aurait elle été partiellement affectée à la réparation, l’assureur est autorisé à agir en répétition de la quote de l’indemnité non affectée à la réparation.

Ce principe a pour effet notamment dans les conventions de financement hypothécaire, d’interdire au banquier de prévoir même en cas de sinistre total, l’affectation des indemnités DO au remboursement des échéances du prêt.

Cela n’interdit cependant pas au créancier hypothécaire de se faire déléguer par le propriétaire la perception des fonds, voire de stipuler l’usage de l’opposition ouverte aux créanciers privilégiés, pour autant qu’il s’engage à les affecter à la réparation.

On rappelera cependant que cette jurisprudence ne s’applique pas en matière d’assurance de RC décennale et que par conséquent si les sommes sont versées à la suite d’un contentieux engagé non pas sur la police DO mais sur la police CNR, le bénéficiaire pourra utiliser les fonds à sa convenance.

Reste enfin que l’assureur DO etant un assureur de préfinancement, et qu’il doitdonc  normalement récupérer les fonds auprès des assureurs RC décennale des responsables. La question de l’enrichissement sans cause de l’assureur DO qui parralèlement agirait en répétion de l’indemnité versée, n’a jamais été soulevée…

Cass Civ 3ème 4 mai 2016 N° 14-19804

Attendu, selon les arrêts attaqués (Montpellier, 23 mai 2012 et 23 avril 2014), que M. X... et Mme Y... (les consorts X...) ont fait édifier une maison d'habitation ; que, des fissures et affaissement du dallage étant apparus après réception, ils ont déclaré le sinistre à la société Aviva, assureur dommages-ouvrage, qui les a indemnisés à hauteur de 109 508, 78 euros ; que, soutenant que les consorts X... ne démontraient pas l'affectation des indemnités perçues à l'exécution des travaux de reprise, la société Aviva les a assignés en restitution de la somme de 97 904, 36 euros ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer la somme de 36 116, 06 euros, alors, selon le moyen, qu'en mettant à la charge des consorts X... la preuve qu'ils avaient réalisé les travaux nécessaires à la réparation des dommages et d'établir quel en a été le coût, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu, sans inverser la charge de la preuve, qu'il incombait aux consorts X... de démontrer qu'ils avaient réalisé les travaux nécessaires à la réparation des dommages et d'établir quel en avait été le coût, l'assureur étant en droit d'obtenir la restitution de ce qu'il avait versé au-delà de ce que l'assuré avait payé, la cour d'appel, qui a constaté que l'assureur dommages-ouvrage avait versé la somme de 109 508, 78 euros et qu'il résultait des investigations effectuées par l'expert que les consorts X... ne justifiaient de l'exécution de travaux de reprise que pour un montant de 73 392, 72 euros, a pu les condamner à payer à la société Aviva la somme de 36 116, 06 euros ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi