La couverture des sous-traitants pour les désordres de nature décennale...

Écrit par Pascal Dessuet

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+ La pratique assurance en matière de marché de sous-traitance, conduit à délivrer aux entreprises intervenant en qualité de sous-traitants des garanties spécifiques au titre des désordres de nature à engager la RC décennale des constructeurs, alors même que le sous-traitant est assujetti à la RC de droit commun, tant dans ses rapports avec le traitant, sur la fondement de l’article 1147 C Civil s.(Obligation de résultat), qu’avec le Maître de l’ouvrage (RC délictuelle pour faute prouvée).

 

+ Cette responsabilité est d’égale durée par rapport à la RC décennale, (Art 1792-4-2 C Civil).

Dans ses rapports avec le traitant, il n’est possible de s’en exonérer, que par la preuve de la cause étrangère, mais elle est néanmoins plus lourde que la RC décennale, car elle repose sur une présomption de responsabilité qui n’est pas limitée aux seuls désordres de nature à affecter la solidité ou la destination de l’ouvrage.

Dans ses rapports avec le Maître de l’ouvrage, il s’agit par contre d’une responsabilité plus légère puisque nécessitant la preuve d’une faute dans l’exécution du marché.

+ Par conséquent sur le terrain des assurances, elles prennent généralement place dans les garanties facultatives d’une police RC décennale, même si curieusement il est parfois fait état de cette garantie à la rubrique « garantie obligatoire », ce qui constitue un simple artifice rédactionnel, mais n’emporte aucune conséquence.

Les garanties ainsi délivrées ne sont pas assujetties aux règles sur l’assurance obligatoire, et aux clauses types sur le maintien dans le temps, les plafonds ou encore les exclusions applicables.

+ Cette liberté contractuelle propre à la couverture assurance des travaux exécutés en sous-traitance, nécessite une particulière vigilance sur trois  points particuliers :

 

* La durée de la garantie :

S’agissant d’une assurance RC, l’article L 124-5 C Ass règle la question de manière impérative : La garantie est délivrée soit en « base fait dommageable » soit en « base réclamation ». L’expression « délivrée en capitalisation » n’est pas reconnu par les textes.

Quelle que soit l’expression utilisée dans la police, notamment la référence à des garanties délivrées « en capitalisation », il n’existe pas d’autre régime possible.

Par conséquent, le constructeur qui souhaite voir son sous-traitant bénéficier d’une couverture assurance qui le couvre au moins pour une durée ferme de 10 ans après la réception et sur la base de la plénitude des plafonds de garantie stipulés par sinistre dans la police, doit exiger la production d’une attestation d’assurance portant l’indication expresse que les garanties sont délivrées en base « fait dommageable ».

Si l’attestation ne porte pas cette précision, il y a tout lieu de penser que la garantie est délivrée en base réclamation.

En ce cas, dès lors que la police vient à être résiliée à raison de la liquidation de l’entreprise sous-traitante, la couverture assurance sera maintenue :

- Certes dans la limite d’un délai de 10 années à compter de la résiliation. (Art R 124-2 8°C Ass)

- MAIS sur la base de plafonds de garantie devenus cette fois épuisables pour toute la durée de la responsabilité restant à courir. (Art R 124-4 C Ass), contrairement à ce qui se passerait pour une garantie délivrée en fait dommageable où les plafonds demeureraient fixés par sinistre ce qui peut conduire à terme à des refus de garantie alors que la responsabilité demeurera encourue. S’agissant d’un BET dont la garantie est souvent légalement plafonnée à 3M€ lorsqu’il intervient en sous-traitance, cela ne sera pas sans conséquences sur 10 ans…

Une vigilance toute particulière s’impose, si le BET en question était assuré en base réclamation, position isolée sur la marché et résilie sa police pour souscrire une police RC en base « fait dommageable » position majoritaire sur le marché.

En ce cas, son nouvel assureur ne reprendra pas le passé, et de ce fait, il ne disposera plus que de 3M€ épuisable pour la durée de sa responsabilité restant à courir…

 

* Le régime juridique des responsabilités couvertes :

Il convient de prendre garde à la clause de la garantie de l’activité de sous-traitant, prenant soin de limiter la couverture à l’hypothèse de la responsabilité « à l’égard du cocontractant ».

 

En ce cas le sous-traitant n’est pas couvert au titre de la mise en jeu de sa responsabilité « vis-à-vis du Maître de l’ouvrage » sur le fondement de la RC délictuelle, puisque le Maître de l’ouvrage n’est pas son cocontractant.

Sa responsabilité délictuelle pourra certes se trouver couverte dans sa police RC travaux, mais en ce cas avec une exclusion sur les dommages affectant l’ouvrage objet du marché dont il est titulaire, donc au total, la garantie ne jouera pas s’il est recherché par le Maître de l’ouvrage pour un désordre affectant ses travaux.

Il ne s’agit pas là de subtilités juridiques à caractère doctrinal. Ce type d’argument est soulevé avec succès devant la cour de Cassation : (Cass Civ 3ème 11 juillet 2012 N° de pourvoi 11-14076 JP Karila RGDA 2012 p 1061)

Au total, il convient de stipuler expressément que « la garantie est accordée dans les mêmes termes et limites que la garantie obligatoire » et d’éliminer toute référence au fondement juridique de la responsabilité couverte, ainsi qu’à ceux qui sont susceptibles de la mettre en jeu.

 

* Le plafond de garantie

Rien n’oblige l’assureur à couvrir l’intégralité de la responsabilité encourue par le sous-traitant. Il convient donc d’être attentif au chiffre stipulé dans la rubrique plafond au titre de cette garantie.

 

+ Autre point d’actualité : Publication au Moniteur du 10 janvier 2014 d’un contrat type de sous-traitance du BTP conditions générales, comportant notamment une clause assurance cf FX Ajaccio Dictionnaire permanent Bulletin d’actualité N° 233 février 2014