La nécessaire précision des clauses excluant le fait volontaire

Écrit par Pascal Dessuet

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La jurisprudence sur la faute intentionnelle se maintient dans toute sa rigueur ; une condamnation pénale pour incendie volontaire n’établit pas la faute intentionnelle de l’assuré en RC s’agissant des dommages collatéraux

La jurisprudence sur la faute intentionnelle se maintient dans toute sa rigueur ; une condamnation pénale pour incendie volontaire n’établit pas la faute intentionnelle de l’assuré en RC s’agissant des dommages collatéraux :

 

Cass Civ 2ème 12 juin 2014 N° de pourvoi: 13-18.844

Donne acte à la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Allianz IARD, la société Aréas assurances et le Service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 février 2012), que la société Aréas assurances (la société Aréas) a indemnisé son assurée, la commune de Vitrolles, des dommages causés à l'école Frédéric Mistral par un incendie ayant pris naissance dans un véhicule en stationnement dont la propriétaire, Mme X..., avait confié la destruction à M. Y... avant de déposer plainte pour vol ; qu'un tribunal correctionnel a condamné M. Y... du chef de dégradations volontaires d'un bien appartenant à autrui par un moyen dangereux pour les personnes et Mme X... du chef de complicité de dégradation du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, de dénonciation mensongère d'un crime ou d'un délit et de tentative d'escroquerie ; qu'exerçant son recours subrogatoire, la société Aréas a assigné la société AGPM assurances (la société AGPM), assureur de Mme X..., en remboursement des indemnités versées ; que la société AGPM a notamment appelé en garantie M. Y... et son assureur, la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (la Matmut) ;

 

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la Matmut fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. Y..., à relever et garantir la société AGPM des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société Aréas, à hauteur de 50 %, alors, selon le moyen, que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité de la chose jugée à l'égard de tous ; que par jugement définitif du 20 janvier 2004, le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence a déclaré M. Y... coupable d'avoir volontairement dégradé par incendie le véhicule de Mme X... et l'école maternelle Frédéric Mistral de Vitrolles et l'a condamné pour l'infraction de dégradation du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes ; qu'en retenant que M. Y... n'avait pas intentionnellement provoqué les dommages subis par l'école, la cour d'appel a violé les articles 121-3 et 322-6 du code pénal, L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances et 1351 du code civil, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;

Mais attendu que la faute intentionnelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, n'exclut de la garantie due par l'assureur à l'assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l'infraction ;

Et attendu qu'ayant souverainement retenu qu'il était établi que M. Y... avait cherché à détruire par incendie le véhicule mais qu'il n'avait jamais eu l'intention d'incendier l'école Frédéric Mistral, la cour d'appel a pu décider, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, que l'assureur était tenu à garantie ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé

Les éventuelles clauses d’exclusion spécifiques sur l’acte volontaire en lui-même supposent pour être validées, de faire état de circonstances très précises :

Telle ne sera pas le cas de la clause excluant « les dommages de toute nature causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré ou avec sa complicité »

 

 

Cass Civ 2ème 12 juin 2014 N° de pourvoi: 13-15.836 13-16.397 13-17.509 13-21.386 13-25.565

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 janvier 2013), que la Société mutuelle d'assurances des collectivités locales (SMACL assurances) a indemnisé son assurée, la commune de Dunkerque, de ses dommages consécutifs à l'incendie provoqué par M. X... et M. Y..., qui ont été condamnés pénalement pour destruction et détérioration volontaires d'objets mobiliers et de biens immobiliers par l'effet d'un incendie, et exerçant son recours subrogatoire, a assigné ceux-ci, ainsi que leurs assureurs respectifs, la société Pacifica, venant aux droits de la société MRA CA, et la société La Macif, en remboursement des indemnités versées ; que l'arrêt a confirmé le jugement qui a condamné in solidum les responsables et leurs assureurs à payer à la SMACL assurances l'intégralité des sommes réclamées ; Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches, du pourvoi n° S 13-16. 397 :

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Attendu que la société Pacifica fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. X..., M. Y... et la société La Macif, à payer à la SMACL assurances la somme de 1 258 444 euros, outre les intérêts au taux légal, alors, selon le moyen :

 

1°/ qu'aux termes de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ; que la décision du juge pénal condamnant l'assuré pour destruction volontaire d'un bien par l'effet d'un incendie s'impose au juge civil, qui est tenu de considérer que cet assuré a commis une faute intentionnelle au sens du texte susvisé, de sorte que la garantie de l'assureur n'est pas due ; qu'en estimant, le cas échéant, par motifs adoptés des premiers juges, que la condamnation pénale de M. X... du chef de destruction volontaire d'un bien immobilier, en l'occurrence la salle de sport et la piscine, par l'effet d'un incendie, ne constituait pas la preuve de l'existence d'une faute intentionnelle de sa part, cependant que les décisions du tribunal correctionnel de Dunkerque des 25 novembre 2005 et 5 avril 2007, qui condamnaient l'intéressé pour incendie volontaire, s'imposaient au juge civil qui n'avait d'autre choix que de retenir l'existence d'une faute intentionnelle de l'assuré excluant la garantie de l'assureur, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances ;

2°/ que lorsque le juge pénal condamne l'assuré pour destruction volontaire d'un bien par incendie, la faute commise par ce dernier constitue nécessairement une faute intentionnelle au sens de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, même s'il n'a pas eu la volonté de créer tout le dommage que son geste a provoqué ; qu'en estimant que la faute intentionnelle de l'assuré n'était pas caractérisée en l'espèce, dans la mesure où, si « l'action génératrice du dommage a bien été volontaire, en revanche, il ne s'en évince pas que les jeunes gens en cause, qui ont été dépassés par cette action initiale, avaient la volonté délibérée de créer le très important dommage tel qu'il est effectivement survenu », la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances ;

3°/ qu'en considérant, au vu des déclarations de MM. X... et Y..., que ces derniers n'avaient pas commis de faute intentionnelle au sens de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, tout en constatant que ceux-ci avaient reconnu être montés sur le toit de la piscine avec une bouteille contenant de l'essence, avoir répandu cette essence sur le sol et y avoir mis le feu à l'aide de briquets, ce dont il résultait que l'intention de M. X... était bien de provoquer le dommage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que la faute intentionnelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, n'exclut de la garantie due par l'assureur à l'assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l'infraction ; que la cour d'appel, après avoir souverainement apprécié, au vu du dossier pénal, que les auteurs n'avaient pas délibérément recherché les conséquences dommageables effectivement survenues, a, sans méconnaître le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, pu décider que les assureurs étaient tenus à garantie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

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Sur le moyen unique du pourvoi n° A 13-17. 509 :

 

Attendu que la société La Macif fait grief à l'arrêt attaqué de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société SMACL assurances la somme de 1 258 444 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, alors, selon le moyen :


1°/ que la faute intentionnelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances doit être entendue comme celle qui suppose la volonté de causer le dommage, tel qu'il est survenu ; qu'en jugeant que « l'exclusion de garantie contractuelle invoquée par La Macif, mentionnée aux conditions générales, soit " les dommages de toute nature causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré ou avec sa complicité " correspond rait aux conditions de l'exclusion légale de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances » et que « l'acception du terme intentionnel » au sens de ce texte ne pourrait « être différente de celle donnée par application de l'alinéa 2 précité » quand, outre les dommages « causés » par l'assuré au sens de ce texte, cette clause visait également les dommages « provoqués intentionnellement » par celui-ci, la cour d'appel a dénaturé la police d'assurance, violant le principe selon lequel il est défendu aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que les dommages « causés » par l'assuré sont ceux voulus par leur auteur, tandis que les dommages « provoqués » par l'assuré sont ceux qui constituent la conséquence involontaire d'un acte intentionnel ; qu'en jugeant prétendument « non probante » « l'analyse sémantique » « quant à la différence à opérer entre les verbes causer et provoquer, qui recouvriraient la même notion d'intervention causale », quand ces deux termes de la langue française ont un sens à la fois précis et distinct, la cour d'appel a derechef dénaturé la police d'assurance, violant le principe selon lequel il est défendu aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

3°/ qu'est claire, précise, formelle et limitée la clause qui exclut de la garantie de l'assureur de responsabilité les dommages « causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré », les premiers étant ceux voulus par leur auteur au sens de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances et les seconds constituant la conséquence involontaire d'un acte intentionnel ; qu'en écartant l'application de cette clause d'exclusion motif pris de ce « qu'à défaut de se référer à des circonstances définies avec précision de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie, la clause d'exclusion de garantie ne pourrait être considérée ni comme formelle ni comme limitée », la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;


Mais attendu qu'après avoir relevé qu'en page 68 des conditions générales du contrat, une clause stipule qu'" outre les exclusions spécifiques évoquées dans chacune des garanties, sont toujours exclus au titre de ce contrat-les dommages de toute nature causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré ou avec sa complicité ", l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'exclusion de garantie contractuelle correspond aux conditions de l'exclusion légale de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances et qu'au-delà de l'analyse sémantique non probante quant à la différence à opérer entre les verbes causer et provoquer, qui recouvrent la même notion d'intervention causale, à défaut de se référer à des circonstances définies avec précision de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie, la clause d'exclusion de garantie ne peut être considérée ni comme formelle ni comme limitée ;

 

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, d'où il résulte que la clause d'exclusion de garantie nécessite d'être interprétée, la cour d'appel a exactement décidé, hors de toute dénaturation, qu'elle ne devait pas recevoir application ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Pour aller plus loin on lira avec profit :

 

Romain Schulz : L’autonomie de l’exclusion contractuelle d’une faute intentionnelle par rapport à l’exclusion légale et d’ordre publique de l’article L. 113 1, alinéa 2 du Code des assurances RGDA 2014 N° 6 p 329