Projet de loi sur la transition énergétique : vote de deux amendements sur la RC décennale

Écrit par Pascal Dessuet

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Le 10 Octobre 2014, lors des débats devant l’Assemblée Nationale l’examen du projet de loi Transition énergétique N° 2230 deux amendements ont été adoptés en 1ère lecture et sont aujourd’hui intégrés dans la petite loi telle que votée le 14 octobre par l’AN :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/ta/ta0412.pdf

 

Amendement   2256

ARTICLE 5 IV de la petite loi telle que votée par l’AN le 14 octobre 2014

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

 

« IV. – L’article 1792 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout constructeur d’un ouvrage de rénovation énergétique est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, du respect de la réglementation thermique en vigueur. ».

 

EXPOSÉ SOMMAIRE DE L’AMMENDEMENT

L’obligation de travaux de rénovation énergétique doit avoir pour corollaire l’instauration d’un système d’indemnisation/ réparation en cas de non-respect des objectifs fixés, via le mécanisme d’assurance professionnelle liée à la garantie décennale.

 

APRÈS ART. 8                                                                                            N° 1473 (Rect)

Amendement N°1473 (Rect)

ARTICLE 8 bis de la petite loi telle que votée par l’AN le 14 octobre 2014

 

Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

« 1° À l’article L. 111-12 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « reproduits ci-après sous » sont remplacés par les mots : « et notamment repris par ».

« 2° L’article L. 111-13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 

« En matière de performance énergétique, l’impropriété à la destination, mentionnée à l’article 1792 du code civil reproduit au présent article, ne peut être retenue sauf en cas de défauts avérés liés aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l’ouvrage ou de l’un de ses éléments constitutifs ou éléments d’équipement, conduisant, toute condition d’usage et d’entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant pas l’utilisation de l’ouvrage à un coût raisonnable. ».

 

EXPOSÉ SOMMAIRE DE L’AMMENDEMENT

L’article 1792 du code civil pose les fondements de la garantie décennale qui stipule que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

 

Le rédactionnel retenu pour l’amendement N° 1873 rectifié est assez peu en rapport avec le texte proposé en conclusion du rapport déposé à la suite des travaux menés au sein du Plan bâtiment durable, c’est-à-dire dans un cadre officiel à la demande des pouvoirs publics et plus particulièrement du groupe de travail ad hoc, coprésidé par Michel Huet (avocat) et Michel Jouvent (délégué général de l’association Apogée)

On rappellera que ce rapport déposé en juin 2013[1] avait été établi en concertation avec les différentes Fédérations professionnelles après six mois d’échanges, proposant des solutions consensuelles pour adapter nos textes sur la responsabilité décennale des constructeurs aux nouvelles dispositions légales et règlementaires sur la performance énergétique.

 

Il résulte de ce nouveau texte que la surconsommation énergétique prise pour l’établissement de la RC décennale à propos d’un problème de performance énergétique est  détachée de toute référence à la norme issue de la RT 2012 en terme de quantum (50 Kwh/m2/an, et qui plus est, soumise à la réunion de critères tous plus subjectifs les uns que les autres :

La preuve devrait être apportée que l’utilisation de l’ouvrage excède le coût « raisonnable », et que l’utilisation de l’immeuble et son entretien sont « appropriés ».

 

A l’inverse l’amendement N° 2256 semble déroger au principe précédemment énoncé en permettant à propos des travaux de rénovation énergétique effectués sur existants, l’établissement de la RC décennale des constructions, par la seule preuve de la non atteinte de la performance conventionnelle telle que prévue par la réglementation, mais sans autres critères.

Ce nouvel Art 8 bis va constituer un puissant appel adressé aux assurés en Dommages Ouvrage, afin qu’ils régularisent une déclaration de sinistre dès qu’ils estiment que leur consommation d’énergie excède la raisonnable, afin d’obtenir la désignation d’un expert en vue de détermine si l’origine se trouve dans l’immeuble et provoquer ainsi une inflation considérable des coûts de gestion. Voilà qui risque d’avoir des conséquences dramatiques sur l’équilibre économique de ce type de contrat

L’urgence ayant été déclarée sur ce texte, il ne sera procédé qu’à une seule lecture. Seul un amendement voté au Sénat pourrait donc permettre de revenir sur ce texte afin de provoquer une Commission Mixte Paritaire qui permettrait au final d’adopter une loi plus respectueuse de l’orthodoxie juridique.

 

Pour en savoir plus

http://www.lemoniteur.fr/142-droit-de-la-construction/article/actualite/26090208-performance-energetique-les-deputes-votent-un-encadrement-de-la-rc-decennale

 



[1] Rapport « La garantie de performance énergétique », juin 2013, à consulter sur http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/RAPPORT_FINAL_GPE2_3_juillet_2013_V5_-_Jouvent_-_Huet.pdf

.Lire aussi : « Faut-il réformer le régime de responsabilité des constructeurs pour l’adapter à la nouvelle réglementation thermique applicable aux bâtiments ? », par P. Dessuet, RGDA, 2013, p. 259.