Police RCD : les activités ne peuvent comporter de restrictions sur leur condition d'exercice...

Écrit par Pascal Dessuet

La Cour de Cassation rappelle une nouvelle fois, que l’activité couverte en matière de police RC décennale ne peut comporter de limite quant à son exercice

En l’espèce il s’agissait d’une limitation quant aux conditions juridiques d’exercice de l’activité couverte : CMI ou marché de travaux .

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Cass Civ 3ème 21 janvier 2015 N° 13-25268 J Roussel RDI 2015 p 188 - JP Karila RGDA 2015 p 142

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances ;

Attendu que pour mettre la société Covea Risks hors de cause, l'arrêt retient que la société Star Bat a souscrit une garantie de responsabilité décennale pour les opérations de construction neuve de maisons individuelles qui n'est pas applicable à des marchés de travaux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'activité de constructeur de maisons individuelles inclut la réalisation de travaux selon marchés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est (ait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis la société Covea Risks hors de cause et d'avoir ainsi déboulé la société Star Bat de sa demande de garantie à l'encontre de la société Covea Risks ;

Aux motifs propres que < < la société Star Bat a souscrit auprès de la société Covea Risks une police d'assurance intitulée " contrat d'assurance multirisques du constructeur de maisons individuelles-assurance décennale " dont les conditions générales précisent que les opérations de construction assurées sont les constructions neuves de maisons individuelles comportant au maximum deux logements et les conditions particulières, que le souscripteur ait agi en qualité de constructeur de maisons individuelles au sens des articles L. 231-1 à L. 231-13 du code de la construction et de l'habitation ; que les conventions spéciales des volets responsabilité décennale et responsabilité civile font état des mêmes conditions s'agissant de l'activité garantie ; que la police d'assurance n'a donc vocation à s'appliquer qu'au titre des sinistres qui trouvent leur origine dans l'exécution d'un contrat de construction de maisons individuelles au sens des textes susvisés et qu'elle n'est donc pas mobilisable en l'espèce pour des marchés de travaux, suivant différents devis, conclus entre M. Y... et la société Star Bat : que le tribunal de grande instance a justemenl réfuté l'argumentation de la société Star Bat selon laquelle l'activité garantie pourrait aussi bien s'exercer dans le cadre protégé du CCMJ que dans le cadre d'un marché de travaux entre professionnels en indiquant que les garanties susceptibles de s'appliquer dans chacun de ces cadres juridiques ne sont pas les mêmes et que la société Star Bat n'a manifestement pas entendu se placer dans le cadre d'un contrat de construction de maisons individuelles ; que les attestations de garantie dommage ouvrage produites devant la cour et qui mentionnent l'intervention de la société Star Bat en qualité de constructeur de maisons individuelles ne sont pas de nature à remettre en cause l'application du contrat d'assurance ;

qu'en conséquence, la société Covea Risks doit être mise hors de cause ; que par ailleurs, il résulte des pièces produites que la police d'assurance a été résiliée pour défaut de paiement des cotisations le 28 octobre 2005 et que la société Star Bat en a été informée par courrier recommandé préalable du 16 septembre 2005 » :

Et aux motifs réputés adoptés que < < la garantie de l'assureur responsabilité décennale ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur, de sorte qu'un sinistre qui trouve son origine dans une activité non déclarée ne peut être garanti : qu'en l'espèce, la société Star Bat a souscrit auprès de la société Covea Risks une police intitulée " contrat d'assurance multirisques du constructeur de maisons individuelles-assurance décennale " ; que les conditions générales précisent (article 2 § 14) que les opérations de construction assurées sont les constructions neuves de maisons individuelles comportant au maximum deux logements : que les conditions particulières de la police (p. 1, 111- C) précisent que le souscripteur agit en qualité de constructeur de maisons individuelles au sens des articles L. 231-1 à L. 23 1-13 du code de la construction et de l'habitation lesquels visent expressément le contrat de construction de maisons individuelles avec fourniture du plan : que les conventions spéciales des volets responsabilité décennale et responsabilité civile font état des mêmes conditions s'agissant de l'activité garantie : que les conditions particulières de ladite police ajoutent expressément le type de construction susceptible d'être garanti à savoir " F-Construction réalisée : les contrats de construction se réfèrent tous aux articles L. 231-1 à L. 231-13 du code de la construction et de l'habitation " ; que la police souscrite par la société Star Bat n'a donc vocation à s'appliquer qu'au titre de sinistres qui trouveraient leur origine dans l'exéculion d'un contrat de construction de maisons individuelles au sens des articles susvisés ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque la société Star Bat a conclu avec M. Y... des marchés de travaux suivant différents devis et non un contrat de construction de maison individuelle, ce qui n'est pas contesté : que la société Star Bat soutient que la police serait mobilisable dès lors que les prestations réalisées dans le cadre d'un contrat de construction de maisons individuelles et d'un marché de travaux seraient les mêmes, seul le cadre juridique étant différent ; que force est cependant de rappeler qu'un marché de travaux permet d'échapper aux obligations d'ordre public auquel le contrat de construction de maisons individuelles est tenu de se conformer ; que par suite, les garanties susceptibles de s'appliquer dans chacun de ces cadres juridiques ne sont pas les mêmes ; qu'en l'occurrence, la société Star Bat n'a manifestement pas entendu se placer dans le cadre d'un contrat de construction de maisons individuelles et ne peut, dès lors, rechercher la garantie de la société Covea Risks ; qu'au surplus, la société Star Bat a expressément indiqué dans les conditions particulières de la police souscrite auprès de la société Covea Risks qu'au titre de ces activités qui ne relèvent pas de celles du contrat de construction de maisons individuelles, un contrat d'assurance responsabilité décennale n° 72. 793. 827 avait été souscrit auprès de l'assureur CGU » ;

Alors, d'une part, que doit être réputée non écrite la clause qui a pour conséquence d'exclure de la garantie certains travaux de bâtiment réalisés par l'assuré dans l'exercice de sa profession d'entrepreneur, faisant ainsi échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction ; qu'en refusant la mise en oeuvre de la garantie souscrite par la société Star Bat auprès de la société Covea Risks pour sa responsabilité décennale, aux motifs que la police d'assurance précisait que les opérations de construction assurées étaient les constructions neuves de maisons individuelles, pour lesquelles le souscripteur agissait en qualité de constructeur de maisons individuelles, tandis qu'une telle clause avait pour conséquence d'exclure la garantie de certains travaux de bâtiment réalisés parla société Star Bat dans l'exercice de sa profession d'entrepreneur, ce qui portait atteinte aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction, obligation à laquelle la société Star Bat avait satisfait en souscrivant la police d'assurance multirisques et assurance décennale auprès de la société Covea Risks, la cour d'appel a violé les articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances ;

Alors, d'autre part, subsidiairement, qu'il y a dénaturation d'un acte lorsque le juge lui prête un sens contraire aux termes clairs et précis qu'il contient ; qu'en affirmant que les attestations de garantie produites devant la cour étaient relatives à la garantie dommage ouvrage et mentionnaient l'intervention de la société Star Bat en qualité de constructeur de maisons individuelles, ce qui ne pouvait remettre en cause l'application du contrat d'assurance, quand aux termes de l'attestation du 15 juin 2005 invoquée par la société Star Bat, il était énoncé de manière claire et précise que le contrat d'assurance couvrait les risques : « responsabilité civile exploitation-après livraison-et professionnelle, responsabilité décennale, assurance obligatoire loi 78-12 du 4 janvier 1978 ainsi que les garanties annexes : dommages aux éléments d'équipement, dommages immatériels, tous risques chantier sans abandon de recours, assurances dommages ouvrage pour les chantiers dont la déclaration réglementaire de chantier sera comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2005 », la cour d'appel a dénaturé ce document, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;

Alors, de troisième part, encore subsidiairement, qu'à supposer que les constatations faites par la cour d'appel sur les attestations aient pu porter uniquement sur les attestations d'assurance dommage ouvrage, sans dénaturation de l'attestation du 15 juin 2005, en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 16, § 2 et s.), si la société Star Bat se prévalait également de cette attestation d'assurance relative à la responsabilité civile exploitation et professionnelle, à la responsabilité décennale et à l'assurance tous risques chantier, qui devait permettre la mise en oeuvre de la garantie de la société Covea Risks, peu important le cadre dans lequel les travaux avaient été réalisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances ;

Alors, de quatrième part, qu'en retenant qu'il avait été expressément indiqué que pour les activités ne relevant pas de celles de contrat de construction de maisons individuelles, un contrat d'assurance responsabilité décennale, n° 72-793. 827 avait été souscrit auprès de l'assureur CGU, sans rechercher, comme elle y était invitée, (concl. p. 18, ult. § et p. 19 }, si le contrat d'assurance en cause n'était pas circonscrit aux travaux de charpentes et de menuiseries, ce qui était étranger à l'activité à l'origine des désordres, pour lesquels la société Star Bat demandait la garantie de la société Covea Risks, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l''article L. 2-11-1 du code des assurances ;

Alors, en tout état de cause, que l'assurance de responsabilité couvre les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat d'assurance ; que cette ouverture s'entend comme le commencement effectif des travaux confiés à l'assuré ; qu'en retenant qu'il résultait des éléments de preuve que la police d'assurance avait été résiliée pour défaut de paiement des cotisations le 28 octobre 2005, ce dont la société Star Bat avait été informée par lettre recommandée préalable du 16 septembre 2005, sans constater que le commencement effectif des travaux confiés à la société Star Bat avait été postérieur à cette cessation du contrat, la cour d'appel a statué par un motif impropre à écarter la mise en oeuvre de la garantie due par la société Covea Risks, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances.

 

Pour aller plus loin :

On lira avec profit la chronique de Jean Roussel publié à la RDI d’avril 2014 qui fait le point sur l’ensemble de la jurisprudence prohibant les clauses des polices RC décennale dont l’objet serait de limiter l’exercice de l’activité couverte à la mise en œuvre de techniques courantes ou à un cadre juridique déterminé d’intervention, bien que comme le déplore cet auteur une grande partie des polices du marché semble ignorer cette jurisprudence.

Ou encore P Dessuet RGDA Mars 2015 , p. 139